Une sucette à l’amende
CORRECTIONNELLE Nina a été reconnue coupable d’avoir brisé une « sucette » dans le quartier Montierneuf.
Le comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux est venu soutenir Nina au palais. Il dénonce le « harcèlement policier ».
DELION Bruno
Pendant plus d’une heure, elle est restée stoïque face à ses juges, le regard posé dans celui de ses accusateurs de la partie civile et du ministère public. Pendant plus d’une heure, Nina a renoué, avec le juge Carbonel, le fil de « son » affaire, de cette soirée de fête du 18 mai 2009, de ce retour matinal, à pied, dans les rues de Poitiers et de cette nuit finalement achevée au poste pour la première garde à vue de sa courte existence.
Jusqu’à cette satanée date, Nina Soulard était considérée – dans son brillant plaidoyer d’hier, son avocate, Me Ménard, n’eut de cesse de le marteler – comme une jeune femme sans histoire. Une étudiante modèle, inscrite en 2e année de sciences et sans doute promise à un bel avenir. Ces promesses demeurent. L’étudiante est toujours modèle. Mais depuis hier, il y a comme une ombre au tableau.
Nina a en effet été condamnée par le tribunal à une amende de 500 € avec sursis, 950 € de dommages et intérêts et 250 € de préjudice pour la dégradation d’une sucette Decaux située à l’intersection des rues du Général Sarrail et de l’Abbé Frémont, dans le quartier Montierneuf à Poitiers.
Zones d’ombre
La justice a rendu sa sentence. Mais les faits demeurent obscurs.
En ce matin du 19 mai, il est environ 4 h 30 lorsqu’une patrouille de police croise un groupe de quatre jeunes marchant sur le trottoir. « Sans faire de vague », assurent les deux policiers. Pourquoi décident-ils alors de descendre de leur véhicule et de filer le « cortège » à pied ? « Une intuition, sans doute », confirment-ils dans leur procès verbal.
D’un coup, la jeune femme, qui ne se sait pas suivie, traverse la rue « pour retrouver la maison d’une copine qui habitait par là » et s’arrête de l’autre côté d’une sucette, jusqu’à ce qu’un « énorme bruit de verre brisé », dixit les policiers, ne se fasse entendre. « La sucette était déjà endommagée, j’ai juste voulu toucher, je n’ai rien cassé », assure Nina à la barre. Les représentants des forces de l’ordre ont beau n’avoir rien vu en direct, masqués par la sucette elle-même et par l’obscurité, ils ne tardent pas à interpeller la demoiselle.
L’affaire repose sur des témoignages, mais visiblement aucune preuve concrète que Nina Soulard a cassé elle-même le verre Sécurit de la sucette. C’est en tout cas ce que plaide la défense. « Il n’y a rien dans ce dossier qui permette de condamner ma cliente, insiste Me Ménard, comme il n’y avait aucune obligation pour elle de se soumettre au prélèvement ADN qu’on lui a soumis lors de sa garde à vue. Je suis fière qu’une jeune fille de 19 ans ait eu le courage d’affirmer son innocence en refusant d’être fichée pour vingt-cinq ans. » Nina n’a effectivement pas donné son ADN. Le tribunal l’a relaxée pour ce chef de prévention. Sa culpabilité pour dégradation a, elle, été prononcée. Sans que le mystère soit pour autant désépaissi.
BOURSIER Nicolas