Je sors à l’instant d’un procès de 2 heures dont le motif était le jugement d’un jeune appartenant à la mouvance anarchiste, proche de nombreux SDF, David suite à une plainte déposée un gardien de la paix. A ce procès étaient présents de nombreux amis et proche de David ainsi que de nombreux membres de la confédération nationale du travail et d’autres anarchistes, communistes… Pour venir soutenir le policier dépositaire de la plainte étaient présents bon nombre de ses collègues, tous en tenue de fonction ainsi que le divisionnaire, lui aussi en tenue de travail.
Aussi dès cet instant je me demandai si ce procès n’engageait pas la totalité du commissariat de police plutôt qu’un seul de ses représentants. Ma surprise fut d’autant plus grande lorsque, dans le public présent sur le banc devant moi, je vis un bon nombre de commerçants de la ville venu se plaindre de ce qu’ils appellent la « communauté SDF » de Poitiers. Aussi, à ce moment, le procès pris pour moi une toute autre dimension. En effet, était-ce un procès engagé entre deux Hommes, un Homme qui se sentit insulté par un autre, ou un procès où David proche des personnes sans domicile fixe était jugé pour la totalité des crimes commis par les « SDF » ? En effet n’était-ce pas plutôt la force publique qui voulait mettre au grand jour un malaise permanent vis-à-vis d’un groupe d’Hommes ?
Le procès commence donc avec un rappel des faits. David, en présence de quatre ou cinq personnes aurait, selon le policier, proféré des menaces envers sa famille, et ses biens : « Je connais tes enfants, ta voiture et ton domicile et je vais te faire payer ! » De plus, David aurait dit de ce policier qu’il était raciste et fasciste. David nie toutes ces menaces et se défend, lui, d’avoir seulement dit au policier qu’il avait des « propos racistes » et qu’il employait des « méthodes fascistes ». Le policier ajoute aussi qu’il avait déjà la veille reçu ces mêmes menace de la part de David. Mais, première surprise, le procès s’ouvre sur la déclaration d’une collègue du policier qui déclare avoir entendu ces mêmes menaces et que l’un des amis de David aurait lui aussi déclaré qu’il souhaiterait mettre « une balle dans la tête » au policier en question. La juge se demande alors si c’est David où son ami que l’on juge. Mais dans cette déclaration s’ajoute aussi le fait que si c’est à ce policier que tout le monde en veut, c’est parce que c’est celui du commissariat qui fait le mieux sont travail car il « verbalise le plus ».
Puis David arrive à la barre et commence à se défendre. Pour lui, il n’y a aucun outrage, il n’a fait que répondre à l’irrespect d’un policier qui lui aurait demandé de « dégager ». Pourquoi ce policier c’est mis à interpeller ces jeunes de cette manière ? Soit disant car ils étaient en infraction de l’arrêt préfectoral qui interdit les regroupements de chien. En effet les quatre ou cinq personnes étaient avec deux chiens, tenus en laisse. La veille déjà, David avait été interpellé car son chien n’était pas tenu en laisse et qu’il avait refusé de transmettre au policier son identité. Il avait alors était conduit au poste pour un contrôle d’identité, son chien placé en fourrière et, alors que le policier en question demandait une fouille au corps, il refuse de s’y soumettre devant cette personne. C’est donc le supérieur qui vient demander à ce policier de sortir de la salle et qui lui demande de se mettre à nu. Mais le même policier reste, selon David qui crie à l’humiliation, derrière la porte pour le « narguer ». David explique alors à la juge que ses propos n’ont été qu’une réponse à l’attitude du policier. Et de plus, il ne cesse de nier toute menace vis-à-vis des parents et des biens du policier. Pourtant une autre déclaration, à nouveau d’un collègue du policier vient confirmer ces menaces. David s’explique donc des faits. Le ton de la juge est plutôt nerveux, les questions très engagées, peut-être pour pousser David, dont les yeux rougissent et s’emplissent de colère, à reconnaître des faits qu’il nie. Puis, c’est au tour de l’agent de police de monter à la barre, bien évidement munis de son uniforme. On lui demande si il y a déjà eu des soucis avec des personnes de la communauté SDF, il affirme qu’ils sont créateur de troubles réguliers, plus souvent prévenus que verbalisés et que cette fois, il s’est vraiment senti agressé et qu’il a eu vraiment peur de ces menaces, notamment pour sa famille. Il prend pour témoin des nombreux troubles les différents commerçants présents mais la juge ne retient pas la demande. Puis il explique qu’il a pris ces différentes menaces comme des menaces de mort. Chose étonnante, alors que le collègue du policier présent a été écouté et qu’il en ait de même pour une collègue qui n’était pas présente, on n’entend à aucun moment parler des trois ou quatre autres jeunes présents à ce moment.
Leur vision des choses, alors qu’ils étaient présent, eux-aussi sur la scène ne retient pas l’attention des juges. Le motif du contrôle est selon le policier, seulement le regroupement de chiens (deux chiens tenus en laisse). Et voila, s’en est fini pour lui. Puis son avocat prend la parole et demande des dommages et intérêts pour son client. Puis Mme le procureur prend la parole et rappelle le casier judiciaire chargé de David (déjà 3 condamnation pour outrage à agent). Elle explique que pour les menaces de mort, les forces de l’ordre en parlent en des mots différents dans les trois déclarations et donc ils ne peuvent en aucun cas mentir. Elle demande cinq mois de prison ferme pour David.
Puis c’est à l’avocat de David de prendre la parole. Alors que le procès de David semble mal engagé pour lui, cet Homme un peu rond, de couleur noir, s’élève et prend la parole. Sa voix puissante, révèle tout son charisme et qu’il est indigné par ce procès. Il déclame le fait que les seuls témoignages sont ceux des forces de police en présence. Il insiste sur le fait que cette communauté, appelée marginale ne possède alors pas les mêmes droits qu’un Homme en uniforme et que leur voix ne compte pas au même niveau que celle d’un gardien de la paix, et revient sur les déclarations des divers amis de David, qui eux insistent sur les propos que le policier aurait tenus auparavant, traitant notamment les SDF de « bons à rien » et qu’il voulait « dépolluer la ville ». Aussi il explique que ce sont aussi des outrages, mais qu’ils ne seraient probablement pas retenus par un tribunal s’ils étaient proférés par un agent de police. Il remet en cause l’enquête qui, selon lui, a été mené en faveur de l’agent de police et demande la relaxe pour David. Le procès touche à sa fin, lorsque la juge rappelle David et lui demande si il serait prêt à faire des TIG. Après s’être tourné vers son avocat, David répond que oui.
Ce procès est probablement comme beaucoup de procès, mais ce qui m’a étonné c’est le fait que David n’ait vraiment aucune possibilité de s’en sortir. Aucune question embarrassante n’a en effet était posé au représentant de l’ordre vis-à-vis des propos qu’il aurait pu tenir. Ni non plus sur le fait que de nombreux SDF se plaignent de lui. Ni plus encore sur le pourquoi des insultes proférées par David. Et pas plus sur les motifs de l’intervention de ce policier au sein de ce groupe de jeunes.
L’agent de police est, encore aujourd’hui en France, juridiquement intouchable. Comment se défendre lorsque l’on rentre dans un tribunal les cheveux décoiffés, un anneau d’argent dans chaque oreille face à un policier en uniforme et que le procès met en opposition sa parole contre celle de l’agent ?
Aussi la justice montre là encore une de ses faiblesses. Espérons donc que David s’en sortira le mieux possible avec un faible nombre d’heure de TIG.
Julien Chaigneau