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Attention, il est interdit de filmer une bavure policière Mediapart 13 Avril 2009 Par Nicolas Valode

En lisant le texte de Georges Moréas, commissaire principal honoraire de la Police Nationale – publié sur son blog « police et cetera » et que vous trouverez reproduit à la fin de ce billet – vous découvrirez comment il est devenu pénalement répréhensible pour tout citoyen de filmer une bavure policière.

En effet, Georges Moréas nous alerte sur une loi de mars 2007 reprise dans le Code pénal qui, au départ, était censée lutter contre le phénomène du « happy slapping » (littéralement « joyeuse baffe »), ces vidéos de brutalité qui circulent sur les téléphones portables des collégiens.

Problème, ce texte de loi dépasse largement le cadre de la lutte contre ce phénomène… car, effet pervers, il transforme tout citoyen qui  filme une infraction en complice de cette infraction. Vous verrez comment, du coup, un citoyen qui filme avec son portable une bavure policière devient complice de ces policiers.

En découvrant cette loi, je ne peux m’empêcher de songer à l’affaire qui nous préoccupe actuellement, celle de la journaliste Isabelle Cottenceau accusée de complicité de violence pour avoir filmer une suspension (voir les différents articles de ce blog qui en font largement référence). Mais véritable paradoxe, cette loi ne la concerne pas car est notamment reconnue l’exception pour les journalistes  « lorsque l’enregistrement résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public ».
Lors du procès Cottenceau à Toulouse, la vice-procureure a admis la légitimité d’informer le public sur un tel thème, ce qui ne l’a pas empêché de requérir 6 mois de prison avec sursis contre Isabelle… Visiblement, c’est le fait d’avoir été présente sur place qui constitue à ses yeux un délit.

Bref, on marche sur la tête.

Je résume : des journalistes qui ne peuvent pas, en filmant un délit, être accusés d’être complices mais qui sont tout de même poursuivis pour avoir été présents sur les lieux du délit, des citoyens qui, eux, sont forcément complices dès qu’ils filment un délit parce qu’ils ne sont pas journalistes… J’avoue, j’en perds mon latin.

Une chose est sûre : le 12 mai prochain, si Isabelle Cottenceau est condamnée, outre le fait que cela créerait un fâcheux précédent car depuis Vichy aucun journaliste n’a été condamné à une peine de prison en France pour avoir exercé son métier – cette nouvelle jurisprudence transformerait le journalisme audiovisuel en une activité à haut risque : comment en effet filmer une guerre, des émeutes, des sans-papiers, un trafic… sans se retrouver condamné de complicité des délits invoqués ?

Entre cet incroyable procès fait à Isabelle Cottenceau et ce texte de loi, qui transforme tout citoyen-témoin en complice des violences qu’il a filmé… pas de doute, on vit une époque formidable.

Mais attention !  Surtout n’essayez pas de montrer l’inverse, c’est interdit par la loi.

Nicolas Valode
Journaliste et producteur associé TAC Presse

PS : voici la reproduction du texte de Georges Moréas

(lien vers son blog : http://moreas.blog.lemonde.fr/)

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