La cour d’appel de Poitiers a confirmé hier la culpabilité de quatre
des cinq jeunes interpellés après les débordements du 10 octobre.
Seuls Jean-Salvy Compte et Samuel Bastard, ici avec M Simone Brunet, sont venus écouter la lecture du délibéré hier matin. A ce moment-là, tous deux espèrent encore leur relaxe.
(Photo Patrick Lavaud)
C ‘est… Ça fait… Le souffle court, coupé. Sa voix tremble un peu. « Ça fait lourd quand même. » Samuel Bastard vient d’entendre la cour confirmer sa culpabilité. Les juges considèrent qu’il a bel et bien lancé une pierre sur la voiture d’un policier, lors des débordements qui ont secoué Poitiers le 10 octobre 2009. « Samuel le Rouge » a eu beau plaider son innocence, répéter qu’il est pacifiste, que jamais il n’aurait fait ça, rien n’y a fait. Coupable. Les juges lui ont juste accordé le privilège de l’insertion sociale (des parents aimants, un job pour payer ses études de géo) pour réformer la peine: six mois avec sursis au lieu des six mois dont un ferme qui lui a valu quinze jours derrière les barreaux de Vivonne en octobre. « Ouais, c’est lourd », souffle le rouquin qui espérait sa relaxe.
« On s’y attendait un peu »
Il a juste le temps de dire qu’il commence à en avoir « un peu ras le bol de toute cette affaire », que ça lui a déjà bouffé cinq mois de sa vie, que « c’est vraiment dégueulasse ». Et puis il s’effondre dans les bras de sa mère. De longues minutes. Avant de se reprendre et d’annoncer en reniflant à peine que ça conforte ses convictions: « On vit dans une société qui tourne pas rond. » « Une nouvelle décision d’injustice, écoeurante et alarmante », commenteront ses partisans dans un communiqué adressé à la presse un peu plus tard dans l’après-midi. « Mais je reste un pacifiste convaincu, conclut Samuel devant les caméras. Je leur montrerai qu’ils ne m’ont pas détruit. »
Même motif, même punition pour son pote Jean-Salvy Compte. Qui, lui, se montre moins affecté, ne sachant quelle réaction adopter. « On s’y attendait un peu », confie-t-il, un sourire ennuyé aux lèvres.
Et maintenant? Cassation? « On va prendre le temps d’y réfléchir », soupire le jeune étudiant, partagé, comme Samuel Bastard, entre l’envie d’en finir et celle de faire reconnaître son innocence.
Eux seuls sont venus écouter la lecture du délibéré. Entouré de leurs proches, accompagnés d’une quarantaine de discrets supporters, surveillés par de lointains policiers.
Emmanuel TOURON
••• Sur quels fondements?
Sur quels fondements la cour d’appel a-t-elle pris ses décisions concernant les cinq jeunes prévenus qui, tous, plaidaient leur innocence?
Jean-Salvy Compte, interpellé à 20h50, au n° 23 rue de Paris, jugé coupable d’avoir lancé un projectile métallique en direction des policiers pendant la manifestation, dans le bas de la rue Jean-Jaurès. La cour a considéré ces faits « parfaitement établis, tant par ses aveux très circonstanciés et répétés que par les constatations formelles de deux policiers ». En revanche, contrairement au tribunal correctionnel (six mois dont un ferme), la cour a pensé qu’«une peine d’emprisonnement ferme ne s’impose plus » puisqu’il est un « étudiant très bien inséré socialement », « jamais condamné » et « a pris conscience de la gravité des faits ». Six mois avec sursis.
Samuel Bastard, interpellé à 20h50, au n° 23 rue de Paris, jugé coupable d’avoir lancé une pierre sur la voiture du commissaire de police Desmartin pendant la manifestation, au niveau du Pont-Neuf. Les « aveux réitérés » du jeune homme, le fait qu’il ait été « formellement reconnu » par le policier et les traces d’impacts sur la Ford Mondéo ont forgé la conviction de la cour sur sa culpabilité. Mais pour la peine, Samuel Bastard a bénéficié des mêmes égards que Jean-Salvy: pour ce garçon « jamais condamné », « bien inséré socialement », « [entretenant] de bonnes relations avec sa famille et [travaillant] pour payer ses études », « une peine d’emprisonnement ferme ne s’impose plus ». Six mois avec sursis.
Charles Velghe, interpellé à 19h10 place De-Gaulle, après avoir été reconnu par le commissaire divisionnaire Papineau convaincu de l’avoir vu, pendant la manif, lancer un objet vers les policiers. La cour a confirmé la relaxe de Charles Velghe, estimant qu’«en l’absence d’une reconnaissance formelle [...], les faits reprochés paraissent insuffisamment établis ».
Deux mois avec sursis, en revanche, pour la fusée de détresse marine découverte dans son sac à dos. Un objet qu’il a toujours prétendu avoir ramassé par terre, en même temps que deux paires de lunettes de plongée.
Léo Clément, interpellé à 18h10 chez un fleuriste de la rue Pétonnet, en marge de la manifestation, jugé coupable d’avoir brisé les vitres d’une cabine téléphonique et incendié un conteneur à ordures au niveau du baptistère Saint-Jean. La cour a retenu que les descriptions de ses faits et gestes par les policiers étaient « précises et concordantes », qu’ils avaient trouvé dans ses poches « un briquet doré semblable à celui utilisé pour mettre le feu au conteneur ». La cour a confirmé la peine de six mois avec sursis.
Candice Cordonnier, interpellée en même temps que Léo Clément, avait été condamnée à six mois de prison avec sursis pour avoir aidé le jeune homme à renverser le conteneur incendié. La cour a cependant retenu qu’«il n’est pas établi qu’elle a renversé ce conteneur dans le but d’aider ou de permettre à Léo Clément d’y mettre le feu ». « Aucun élément de l’enquête ne permet d’établir qu’elle a agi sciemment, en qualité de complice », elle a donc été relaxée.
En revanche, la cour a confirmé sa condamnation à 300€ d’amende pour avoir refusé de donner son ADN lors de sa garde à vue.
Emmanuel TOURON
le billet
CRS où es-tu ? |
 |
|
|
>>> Réagissez à cet article |

« Ben, ils sont où les CRS ? » Cravate en désordre du gars à la bourre, un jeune Poitevin pressé survole la place du palais de justice de Poitiers. Mais trouve tout de même le temps de s’étonner qu’en cette matinée de procès de “ casseurs ” et donc de manifestation probable et donc de chahut possible, les rues de Poitiers n’aient point été engoncées de ce long manteau bleu police dont on a pourtant pris l’habitude de les couvrir chaque fois qu’un groupe potentiellement contestataire a désormais l’audace de prendre le risque d’oser avoir l’inconscience de sortir un bout de banderole. Cette fois, pas un CRS sur le pavé. Et côté policiers, c’est le minimum syndical. Alors forcément, on s’amuse à être déçu. C’est vrai, quoi. On finissait par s’habituer à ses déploiements de forces préventifs à vocation sécuritaire. C’est le Français, ça. Jamais content.
Remarque, c’est les vacances…
E. T.
|
la phrase
« J’espérais que la vérité éclaterait, ce n’est pas encore pour cette fois. » |
 |
|
|
>>> Réagissez à cet article |

Gwenn Compte, la mère de Jean-Salvy, n’a pas caché sa déception à sa sortie du palais de justice hier matin. Viscéralement convaincue de l’innocence de son fils, elle affirme que « la justice a fait son travail… mais avec les éléments dont elle dispose et le même dossier vide ». |
|
le chiffre
600 |
 |
|
|
>>> Réagissez à cet article |

C’est, en euros, le montant des frais supplémentaires que Samuel Bastard doit verser au commissaire Desmartin, partie civile après le caillassage de sa voiture. Ce qui porte à 1.350 € le coût de l’ardoise infligé au jeune étudiant au profit du policier. En revanche, le commissaire divisionnaire Papineau a été débouté de sa demande de dommages-intérêts à l’encontre de Charles Velghe relaxé au bénéfice du doute. La ville, partie civile pour le conteneur brûlé, ne touchera rien non plus… puisqu’elle n’en était pas propriétaire. |