
Noria Aït-Kheddache/LEXPRESS.fr
Devant la maison d’arrêt de Nanterre, le 25 février 2010.
Famille et proches des détenus de la maison d’arrêt de Nanterre se pressent devant les portes de l’établissement du lundi au samedi. Rencontre avec ces hommes et femmes, passerelle entre « l’extérieur » et l’univers carcéral.
9h30. Le ciel est gris, jeudi 25 février, à Nanterre. Il y a beaucoup de vent. Une vingtaine de personnes attend devant la maison d’arrêt des Hauts-de-Seine. Les bénévoles de l’association Les équipes Saint-Vincent s’activent. « Pour avoir accès au parloir, il faut arriver au moins vingt minutes avant ». « Vous avez le droit de ramener du linge une fois par semaine ». « Mettez tout dans les casiers, ne gardez que votre carte d’identité. Surtout pas de portable », crient Anne et Martine, en poste depuis 8h. Une vieille femme va à leur rencontre: « C’est la première fois que je viens, je suis un peu perdue… »
« Il faudrait plus de moyens, pas du bricolage »
Jacqueline Fraysse et Marie-Hélène Amiable, deux élues des Hauts-de-Seine ont visité, jeudi 25 février, la maison d’arrêt de Nanterre. Comme tous les parlementaires, elles faisaient jouer leur droit de visite des établissements pénitentiaires.
« Il faudrait plus de moyens pour plus de dialogue, a expliqué la première. Pendant la canicule de 2003, par exemple, le directeur d’établissement ne pouvait pas autoriser les douches quotidiennes, faute de personnel. Les problèmes de l’univers carcéral demandent de vrais moyens et non du bricolage! »
Les élus ont prêté attention aux souhaits des détenus, pourtant pas très « loquaces ». « Certains sont emprisonnés loin de leur ville d’origine et voudraient s’en rapprocher. Ils veulent également faire plus de sport », a rappelé Jacqueline Fraysse.
C’est face à la maison d’arrêt, dans cette petite salle d’attente en béton, que les langues se délient. Parsemée de casiers, elle permet de déposer les affaires « sensibles ». L’objectif?Passer le portique de sécurité menant au parloir. Il y a des toilettes, des bancs, des dessins d’enfants au mur. Les deux bénévoles servent du café. L’atmosphère se fait chaleureuse, les visiteurs s’essayent à un brin de causette. Les membres de l’association y sont pour beaucoup. Les « habitués » aident ceux qui ne connaissent pas encore les rouages de l’univers carcéral.
9h50. Une jeune fille, qui attendait patiemment son tour, présente un papier à l’agent administratif posté à l’entrée de la prison. Il n’est pas en règle, la porte se referme sur elle. Pas de parloir aujourd’hui.
10h10. Les visiteurs du parloir de 9h ressortent de la maison d’arrêt. Ils se bousculent dans la salle d’attente, pressés de récupérer leurs affaires. « Il était content de me voir », s’enthousiasme une femme. Une autre, dépitée, angoisse: « je n’ai pas pu prendre son linge sale ». « Tu vas voir ton frère? » me demande une femme.
10h30. Les visiteurs du parloir de 11h remplissent la salle d’attente. Anne et Martine ne se contentent pas de servir le café. Elles conseillent, parlent, rassurent et orientent les familles de détenus. Depuis 20 ans pour l’une, 8 pour l’autre. Leur association, essentiellement composée de femmes, agit dans toute la France.
10h45. Un agent de la maison d’arrêt entre. Il appelle les familles une par une et vérifie leur sac de linge. « Pull à capuche? C’est non »; « Bleu marine et kaki? Interdit ». La longue liste des produits et vêtements non-autorisés est épinglée au mur de la salle d’attente. « Pas de nourriture, sauf pour Noël, pas de produits de toilette, pas d’argent… », met en garde l’écriteau. « Depuis 2, 3 ans les interdits sont moins nombreux, affirment cependant les bénévoles. « Faites attention à votre sac… », me glisse au creux de l’oreille Martine.

Noria Aït-Kheddache/LEXPRESS.fr
« Il est pâle, ne mange pratiquement rien et n’a pas d’argent pour cantiner. Je sais bien qu’ils font des bêtises, mais quand même… », témoigne un visiteur de la maison d’arrêt de Nanterre.
10h50. Avec le troisième parloir de la matinée, Karim, salarié de la Siges (société privée d’aide aux familles des détenus), est débordé mais garde le moral. « On s’adapte aux langues, aux âges, aux histoires de chacun. Notre rôle est d’assister au mieux les familles. Bientôt, notre société accueillera une halte-garderie, un jardin d’enfants et une nouvelle salle d’attente, plus grande », explique-t-il entre deux interventions.
11h10. La salle se vide. « Vous êtes journaliste? » m’interroge une femme aux cheveux longs et au regard triste. « Mon fils de 19 ans est ici depuis plus d’un mois », me raconte Monique. Désemparée, elle s’inquiète pour son enfant. « Il est pâle, ne mange pratiquement rien et n’a pas d’argent pour cantiner. Je sais bien qu’ils font des bêtises, mais quand même… ». Elle ajoute: « les matons nous parlent, à nous parents, de manière irrespectueuse. Ils ne répondent jamais à nos questions et se contentent de nous donner des ordres. J’ai parfois l’impression d’être moi-même un détenu… »
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