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Attention, il est interdit de filmer une bavure policière Mediapart 13 Avril 2009 Par Nicolas Valode

Dimanche 28 février 2010

En lisant le texte de Georges Moréas, commissaire principal honoraire de la Police Nationale – publié sur son blog « police et cetera » et que vous trouverez reproduit à la fin de ce billet – vous découvrirez comment il est devenu pénalement répréhensible pour tout citoyen de filmer une bavure policière.

En effet, Georges Moréas nous alerte sur une loi de mars 2007 reprise dans le Code pénal qui, au départ, était censée lutter contre le phénomène du « happy slapping » (littéralement « joyeuse baffe »), ces vidéos de brutalité qui circulent sur les téléphones portables des collégiens.

Problème, ce texte de loi dépasse largement le cadre de la lutte contre ce phénomène… car, effet pervers, il transforme tout citoyen qui  filme une infraction en complice de cette infraction. Vous verrez comment, du coup, un citoyen qui filme avec son portable une bavure policière devient complice de ces policiers.

En découvrant cette loi, je ne peux m’empêcher de songer à l’affaire qui nous préoccupe actuellement, celle de la journaliste Isabelle Cottenceau accusée de complicité de violence pour avoir filmer une suspension (voir les différents articles de ce blog qui en font largement référence). Mais véritable paradoxe, cette loi ne la concerne pas car est notamment reconnue l’exception pour les journalistes  « lorsque l’enregistrement résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public ».
Lors du procès Cottenceau à Toulouse, la vice-procureure a admis la légitimité d’informer le public sur un tel thème, ce qui ne l’a pas empêché de requérir 6 mois de prison avec sursis contre Isabelle… Visiblement, c’est le fait d’avoir été présente sur place qui constitue à ses yeux un délit.

Bref, on marche sur la tête.

Je résume : des journalistes qui ne peuvent pas, en filmant un délit, être accusés d’être complices mais qui sont tout de même poursuivis pour avoir été présents sur les lieux du délit, des citoyens qui, eux, sont forcément complices dès qu’ils filment un délit parce qu’ils ne sont pas journalistes… J’avoue, j’en perds mon latin.

Une chose est sûre : le 12 mai prochain, si Isabelle Cottenceau est condamnée, outre le fait que cela créerait un fâcheux précédent car depuis Vichy aucun journaliste n’a été condamné à une peine de prison en France pour avoir exercé son métier – cette nouvelle jurisprudence transformerait le journalisme audiovisuel en une activité à haut risque : comment en effet filmer une guerre, des émeutes, des sans-papiers, un trafic… sans se retrouver condamné de complicité des délits invoqués ?

Entre cet incroyable procès fait à Isabelle Cottenceau et ce texte de loi, qui transforme tout citoyen-témoin en complice des violences qu’il a filmé… pas de doute, on vit une époque formidable.

Mais attention !  Surtout n’essayez pas de montrer l’inverse, c’est interdit par la loi.

Nicolas Valode
Journaliste et producteur associé TAC Presse

PS : voici la reproduction du texte de Georges Moréas

(lien vers son blog : http://moreas.blog.lemonde.fr/)

Pourquoi le maintien de l’ordre public serait-il « nécessaire et essentiel » ?

Dimanche 14 février 2010

« Ceux qui détruisent les biens publics ou privés, quels qu’en soient les motifs, ne peuvent bénéficier de notre bienveillance. Ces délinquants ne défendent aucune cause et servent, au contraire, les intérêts de ceux qui veulent discréditer le mouvement social. Je souhaite que la Police les trouve et que la Justice passe » a dit le maire de Poitiers dans sa déclaration publique du 11 février à propos de la manifestation réprimée du 6 février1. Pourquoi ne parler que de la destruction de biens publics ou privés en ayant visiblement en tête, les Sucettes Decaux, vitrines, tags, abris bus, poubelles…? N’est-ce pas une manoeuvre pour éluder le véritable problème ?

Par exemple, nous savons combien ont coûté les vitrines du 10 octobre : 40 000 €.2 Mais combien coûte le « maintien de l’ordre public » ? Comme par hasard, il est très difficile de trouver des informations à ce sujet. Nous demandons donc aux autorités, qui sont par ailleurs si friandes d’évaluations en tout genre et pour n’importe quoi, de nous informer du coût réel du maintien de l’ordre sur Poitiers. En attendant, une rapide recherche sur internet permet de nous faire une idée a minima. Nous y apprenons que l’État loue une compagnie de CRS soit 80 hommes (une dizaine de fourgons) à peu près 10 000 € lors des rencontres de football3. Bien que Certains ont parlé de l’arrivée de 400 CRS le 10 octobre en fin de manifestation, ce qui fait que si l’on y ajoute les policiers, Baqueux, RG… le coût social de la répression le jour même du 10 octobre serait déjà bien supérieur au coût des dégradations des vitrines !

Mais allons plus loin. Selon nous, le coût répressif direct de la manifestation de samedi 6 février serait d’au moins 10 000 € si l’on se base sur les dires du secrétaire général de la préfecture sur France 3 : une demie compagnie de CRS plus autant de policiers ; 15 000 € voire 20 000 €. si on considère qu’il y avait plutôt au moins une compagnie de CRS plus autant de policiers, baqueux.et RG. Même coût que pour la manifestation de l’éducation nationale du 21 janvier dernier. Pour le procès en appel du 10 octobre, les 13 et 14 janvier derniers, au minimum 2 compagnies de CRS plus les policiers, disons a minima 50 000 €. Au niveau du coût pour la collectivité nous sommes déjà bien au dessus du coût des dégradations du 10 octobre. Si nous rajoutons la présence policière dans et devant les lycées, disons en tout 15 à 20 000 €., la présence policière le 28 novembre (10 000 €.) les 18 et et 19 novembre (disons a minima 50 000 €.), le 22 octobre (10 000 €.), le 19 octobre (5 compagnies de CRS soit 50 000 €.), le 17 octobre (20 000 €), le 12 octobre (20 000 €.). Au bas mot la facture pour le contribuable s’élève à plus de 300 000 €. soit 7 fois et demi plus que les vitrines cassées le 10 octobre. Ce coût monstrueux n’est pas étonnant et certainement en deçà de la réalité. En avril 2008, le Figaro estime le coût du dispositif de protection de la flamme olympique à Paris à 400.000 €.4En juin 2007, la sécurisation du G8 de Rostock en Allemagne a coûté la bagatelle de 100 millions d’€., dont 12 millions d’€. pour la clôture de sécurité de 12 km de long5. Sans parler du coût d’une expulsion de sans papier qui est de minimum 10 000 €.6, 20 970 €. selon le Sénat soit en 2009 une facture prévisionnelle de 500 millions €. sur le budget de l’Etat7.

Ainsi ce n’est pas tant la destruction de bien publics ou privés qui pose problème mais le gaspillage des fonds publics ou mieux encore l’utilisation de ces deniers publics dans le seul intérêt de certains. Car ne pouvons-nous pas constater que la police et la justice ne s’attaquent jamais aux grands et aux puissants, à ceux qui ont le pouvoir et l’argent ? Interrogé dans 7 à Poitiers, le 22 septembre dernier, soit deux semaines avant le 10 octobre, sur le rôle des forces de l’ordre, JF Papineau, tout nouveau patron de la police poitevine expliquait : “Les délinquants sont d’une extrême lâcheté. Ils attaquent les plus faibles et se déplacent en bandes parce qu’ils ont peur de se faire attraper par la police ou par une bande adverse. J’estime que les plus modestes doivent pouvoir compter sur les policiers de la République pour les protéger 8. En fait c’est l’inverse qui se produit. Les personnes que le Comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux a soutenues depuis fin avril 2009, y compris celles du 10 octobre, sont des lycéens, des étudiants, des SDF, des précaires, des ouvriers et des employés. Ce ne sont donc pas des riches et des puissants mais des modestes. Si nous en doutons encore, énumérons les parties adverses : Ville de Poitiers, JC Decaux, le procureur, des policiers, Bouygues, des banques et des assurances, l’État français. Cela ne confirme-t-il pas que la police et la justice défendent les forts et les puissants contre les faibles et les modestes et donc que la justice est une justice de classe ?

De plus, lorsqu’on y regarde plus près, on s’aperçoit que la totalité des personnes inquiétées (sauf une qui a la malchance d’être le fils d’un adjoint du maire de Poitiers), sont engagées politiquement ou sont proches du milieu contestataire. Non seulement la justice et la police sont de classe mais elles sont politiques. Après la manifestation réprimée du 6 février, il est encore plus clair que le pouvoir provoque, intimide, harcèle, pourchasse et poursuit – notamment grâce à son arsenal de lois sécuritaires et par le biais de sa police comme de sa justice – les acteurs et actrices de mouvements sociaux afin de les dissuader de s’engager, ou les punir pour s’être engagés sur le terrain politique. Le pouvoir cherche aussi à diviser les contestataires afin d’isoler ceux qu’il définit sans rire comme des « éléments dits extrêmes » et évidemment « les militants anarchistes sont un groupe à risque » (Journal de France 3 Poitou-Charentes 19/20 du 8 février 2010)9 et pouvoir les réprimer dans l’indifférence générale.

Contrôle social, répression et prévention répressive sont les seules réponses apportées à ceux qui sont engagés ou risquent de s’engager dans la lutte des classes. Tout cela pour protéger à grands frais les intérêts de classe des riches et des puissants.

Comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux

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1 http://www.mairie-poitiers.fr/rubriques/actualites/actualites-2.0-602-vieCite–_Poitiers_est_une_ville_de_droits_et_j_entends_qu_on_n_y_porte_pas_atteinte_.html

2 entre presse 19 novembre 2009.

3 Quand policiers et gendarmes facturent leurs services Christophe Cornevin, le Figaro 26/11/2009 http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/11/30/01016-20091130ARTFIG00055-quand-policiers-et-gendarmes-facturent-leurs-services-.php

4 Prix d’une journée agitée: plus de 400 000 euros Jean-Marc Leclerc Le Figaro 08/04/2008 http://www.lefigaro.fr/actualites/2008/04/08/01001-20080408ARTFIG00273-prix-d-une-journee-agitee-plus-de-euros.php

5 Une police plus humaine, CQFD n°047 http://www.cequilfautdetruire.org/spip.php?article1467

6 Coût des expulsions de sans-papiers Impôts-utiles.com http://www.impots-utiles.com/cout-des-expulsions-de-sanspapiers.php

7 Le Sénat évalue à 20 970 euros le coût d’une expulsion Politique.net 1er décembre 2008 http://www.politique.net/2008120102-une-expulsion-coute-20970-euros.htm

8 http://www.7apoitiers.fr/article/27/j-f-papineau-ldquo-la-delinquance-est-sous-controle-rdquo

9 http://antirep.free.fr/France3_19-20_08-02-10.avi

Privatisation des prisons 11-02-2010

Jeudi 11 février 2010

Privatisation des prisons


Privatisation des prisons 11-02-2010 dans Analyse Ico-prisions-3

Il était de bon ton dans les rangs de l’UMP ou du Parti Socialiste, il y a encore peu de temps, de montrer du doigt la Chine lorsque l’on parlait des Droits de l’Homme, notamment en ce qui concerne le travail des détenus chinois dans les prisons. J’emploi l’imparfait pour les fans du parti de la majorité, puisque depuis que l’UMP est copain comme cochon avec le parti communiste chinois, il est conseillé aux adorateurs de notre omni président de se taire sur le sujet. Quant aux ténors des socio-démocrates français, ils sont tellement emberlificotés dans leurs contradictions, qu’ils en oublient de jouer le rôle d’opposants. Dans le numéro 8 du Lot en Action mag, le Lutin qui lutte a poussé un petit cri de colère sur la privatisation des prisons et le travail des détenus. J’étais donc décidé à mener une enquête sur le sujet pour vous écrire un petit article, histoire de vous dresser un tableau de la situation en quelques lignes. Mais en avançant dans mes investigations, je suis passé de la stupeur à la colère, rejoignant l’indignation de notre chroniqueur adoré.

Pour comprendre la situation des détenus en France et la politique sarkozienne en matière carcérale, il convient en premier lieu de regarder vers l’ouest, outre atlantique, comme le fait frénétiquement notre président. Deux chiffres sont importants : la population des États-Unis représente 5% de la population mondiale. La population carcérale américaine représente 25% de tous les détenus du monde… cherchez l’erreur ! Autre chiffre important, celui de la progression de cette population carcérale aux states : 300.000 en 1972, 1 million en 1990, 2 millions en 2000 et 2,3 millions en 2009. On peut dès lors chercher des raisons à cette explosion du nombre de prisonnier. Manifestement les politiques sociales sont un cuisant échec, surtout lorsque l’on regarde les statistiques qui concernent les crimes, voies de faits et délits en tous genres, mais comment expliquer qu’un pays comme les États-Unis, capable de verser des centaines de milliards de dollars de fonds publics pour voler au secours des banques et des constructeurs automobiles, n’arrivent pas à mettre en place des mesures efficace pour lutter contre l’exclusion sociale et la pauvreté ? Une des explications passe par l’organisation et la gestion des centres pénitenciers. De plus en plus de prisons sont maintenant construites et gérées par des entreprises privées, surtout depuis que Bush, le brillant intellectuel libéral, a fourré son nez dans ce dossier. Que voulez-vous, aujourd’hui il faut faire de l’argent avec tout. Ico-prisionsd297-a3fbd dans Prisons

 

Ces entreprises privées facturent très cher aux états ces services (en France, les libéraux, c’est-à-dire les partisans de l’UMP et du Parti Socialiste appellent ça des Partenariats Public-Privé (voir l’article : Une prison, ça rapporte énormément)). Mais pour faire encore plus d’argent, ces entreprises ont eu une idée géniale : transformer les détenus et esclaves, en déguisant tout cela sous des noms pompeux comme aide à la réinsertion et formation. Cette population est corvéable à merci, payée avec des salaires qui conduiraient les chinois les plus défavorisés à la révolte, et ne bénéficient bien sur d’aucun droit. Génial comme idée non ? Du coup de nombreuse entreprises y ont vu une solution très opportune pour éviter les frais de délocalisation en Chine ou en Indes : IBM, Boeing, Motorola, Microsoft, ATT, Wireless, Texas, Dell, Compaq, Honeywell-Packard, Nortel, Lucent Technologies, 3 Com, NorternTelecom,TWA, Nordstorm, Revon, Macy’s, Pierre Cardin, Target Stores… oui, vous avez bien lu, Pierre Cardin. Et si vous ne voulez pas bosser vous allez directo en cellule d’isolement jusqu’à ce que vous ayez changé d’idée. Elle n’est pas belle la vie ? Là où le bas blesse, c’est que ces entreprises qui gèrent les prisons, super, mais alors super rentables, ont un intérêt énorme à ce que les prisons soient pleines. Plus il y a de détenus, plus les états versent d’argent, et plus ils y a de contrats à la clef avec des entreprises qui passent des commandes pour faire travailler les malheureux prisonniers. La boucle est bouclée.
C’est précisément ce qu’a dû se dire notre président monté sur piles et talonnette grand modèle, lors de ses voyages au states pour aller s’excuser des paroles malheureuses de Dominique… 
Parce que la politique française en la matière est calquée sur le même moule. Bon, là il me faut faire preuve d’un minimum d’honnêteté intellectuelle et précisant que les choses ont commencé bien avant que le petit monte sur son trône. C’est depuis la mise en place du « programme 13000 » en 1987 que des entreprises privées peuvent cogérer une vingtaine d’établissements pénitentiaires français. Ils ont été construits par Vivendi, la Lyonnaise des Eaux ou Dumez et sont gérés de manière rentable mais souvent inhumaine et déplorable, notamment en matière de santé, par Sodexho, Eurest, Gecep, Gepsa.
Et depuis que le petit est devenu khalife à la place du khalife, son copain Bouygues prend les nouveaux marchés. A titre d’exemple, en février 2008, Rachida Dati déclarait, en présentant le contrat qui délègue à Bouygues à la fois la conception, le financement, la construction, la maintenance et la gestion des services dans les 3 nouvelles prisons qui seront construites à Nantes, Lilles et Réau (Seine et Marne) : « La modernisation de notre système pénitentiaire est en marche. Le contrat que nous allons signer s’inscrit dans cette politique, il permet de concevoir la prison de demain » Mais Rachida a oublié de révéler un petit détail, qui a toute son importance : le contrat prévoit que l’Etat deviendra propriétaire des prisons dans 27 ans et paiera entretemps un loyer de 48 millions d’euros annuels, tout en gardant à sa charge les surveillants…
Mais la plaisanterie ne s’arrête pas là, puisque tout comme au pays qui fait fantasmer Sarkozy, on a mis les taulards au boulot. Il y avait déjà le travail qui concerne l’intendance des prisons, qui était confié aux détenus volontaires. Mais les fameuses entreprises qui gèrent les prisons, passent des contrats avec des entreprises françaises (L’Oréal, Bouygues, EADS, Yves Rocher, BIC, etc.), pour leur proposer une main d’œuvre vraiment bon marché : un détenu est payé souvent à la pièce (ce qui est illégal en France) entre 200 et 300 euros par mois, bien sur sans aucun droit ni aucune protection sociale. L’Observatoire International des Prisons dénonce haut et fort cet esclavage moderne légal : « Non seulement les prisons en France détiennent le triste record européen du nombre de suicide, mais elle a déjà été condamnée par l’Europe pour des conditions inhumaines d’incarcération (surpopulation, hygiène, droits des détenus). Dans les prisons, les détenus qui travaillent sont dans des zones de « non droit ». François Besse, de l’OIP, connaît le problème : « En ce moment, nous aidons un détenu de la maison d’arrêt de Caen à essayer, malgré tout, d’obtenir des indemnités. L’an dernier, en restaurant des palettes en bois, il a enlevé la sécurité de son pistolet à clous. Il s’est crevé un œil. Puis, comme il avait besoin d’argent, il a repris le travail et s’est crevé le second… »

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Mais pourquoi les détenus sont-ils volontaires pour travailler dans de telles conditions ? Il faut savoir qu’en prison tout est payant, de la savonnette au paquet de clopes, en passant par la télévision et les extras de bouffes qui permettent d’améliorer l’infâme nourriture qui leur est servie. Et tout cela se paye beaucoup plus cher qu’à l’extérieur… Et selon vous qui encaisse les bénéfices ? Martin et les autres n’en ont pas assez, d’ailleurs Sarko leur donne raison, plus, toujours plus ! Donc quand vous êtes enfermés à 3 ou 4 dans une cellule de 9m² 22 heures par jour, qu’il vous faut payer pour respirer et survivre, le choix s’avère très vite limité. 

 

Une prison, ça rapporte … énormément

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Ligue des Droits de l’Homme de Toulon
Bouygues, Eiffage Construction, Sodexho-Alliance (Siges et Idex-Sogerex), Suez-Lyonnaise des eaux (Gepsa)… sont en prison. Pour y faire de l’argent, pas à cause de tout ce qu’on peut leur reprocher. [1]
Le système carcéral offre un excellent exemple de l’interpénétration « public-privé ». Le partage des tâches est simple : le « service public » fixe les lois permettant les emprisonnements (parlement), régule les flux d’entrée et de sortie de prisonniers (police, justice) et le « service privé » fait ses choux-gras de l’exploitation du système. Le principe de base de cet accouplement monstrueux, c’est la « délégation de service public », que les contrats dits PPP (Partenariats public-privé, loi du 2 juillet 2003) ont porté à son maximum. Avec les PPP, administrations et entreprises ne font pratiquement qu’un pour l’exécution du service, et deux bien distincts pour ce qui concerne les bénéfices. 
La gestion en PPP est pour les entreprises privées une manne. Elles espèrent engranger, sur le modèle américain, d’immenses profits. Grâce à un accroissement progressif -et d’ailleurs programmé- de la population carcérale, le système atteindra certainement une forte rentabilité. Les puissantes entreprises qui se sont lancées dans les PPP feront donc, avec tous les moyens dont elles disposent (les médias qu’elles contrôlent, leur copinage politique, la corruption…) tout ce qu’elles peuvent pour que la « justice » matraque de plus en plus l’habitant de base et le fasse passer par la case prison quand il leur conviendra. Leurs bénéfices en dépendent. Leur cotation à la bourse aussi.
L’histoire de la privatisation des prisons vient de loin, mais c’est en 1987 qu’elle a été relancée par Albin Chalandon (gouvernement de droite) avec la construction de 15 000 nouvelles cellules et l’attribution à une même entreprise de la conception, la construction et la gestion d’un établissement pénitentiaire. Sur les 25 prisons prévues par son programme, 21 ont été construites avec un total de 13 000 cellules.
Suite à la proposition de Pierre Méhaignerie (gouvernement de droite) Elisabeth Guigou (de gauche) décide en 1994 de reconduire la gestion mixte des 21 prisons-Chalandon et de lancer 6 prisons supplémentaires (4 000 cellules de plus). Les bénéficiaires de l’appel d’offre sont alors le groupe Eiffage Construction et le groupe Bouygues. En 2000, un milliard et demi d’euros sont débloqués pour ces constructions. En janvier 2002, l’administration pénitentiaire alloue au groupe Sodexho-Alliance (Siges et Idex-Sogerex) et au groupe Suez-Lyonnaise des eaux (Gepsa) le service de restauration pour 27 prisons.
En 2001, un programme de 35 nouvelles prisons -excusez du peu- est annoncé par Marylise Lebranchu (gouvernement de gauche). En 2002, Perben (gouvernement de droite) rebondit la-dessus. Un nouveau programme de 13 200 cellules est lancé, dont 400 à 600 cellules contre les enfants. Pour aller plus vite, il facilite la tâche des entreprises : elles sont désormais dispensées de la longue procédure prévue dans le Code des marchés publics et elles peuvent obtenir un crédit-bail avec un droit d’occupation temporaire de terrain public. De plus, Perben leur donne la gestion clef en main pour des durées de vingt à trente ans.
L’État est réduit au rôle de locataire (c’est lui qui verse au privé une redevance mensuelle) et de fournisseur (c’est lui qui envoie « gracieusement » les gens en prison, en fonction du besoin des entreprises qui gèrent les taules).
Les entreprises empochent le loyer et les frais de gestion (avec une marge confortable), le « prix de journée » pour l’entretien des prisonniers (sur lequel elles peuvent faire toutes les « économies » possibles), les sur-bénéfices de la « cantine » (tous ce que les prisonniers peuvent acheter -papier hygiénique, enveloppes…- vendu beaucoup plus cher qu’à l’extérieur) et les sur-bénéfices du travail des prisonniers (tenus au rendement et payés des clopinettes). De ce point de vue, la prison constitue l’équivalent d’une délocalisation de la production… les frais de déplacement en moins.
Les prisonniers, jusque-là soumis au seul pouvoir du directeur de prison, ont avec le PPP une double autorité. La première contrôle toujours l’application administrative de la peine, l’autre régit la logistique, le quotidien qui influe à chaque instant sur la vie en détention. Les choses sont encore plus compliquées pour eux.
Et la « Justice » là-dedans ? Il ne peut y avoir de « Justice » quand il n’est question que de profits.

 

Le recours aux constructeurs privés critiqué

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Deux syndicats de personnels pénitentiaires ont critiqué le recours à des entreprises privées pour construire et gérer de nouvelles prisons en France après un incident à Mont-de-Marsan.
Une panne électrique générale dans le nouveau centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan, construit par le groupe Bouygues et mis en service le 7 décembre, a contraint les autorités à évacuer les 87 détenus présents. Le centre doit accueillir à terme plusieurs centaines de prisonniers. Selon une porte-parole, l’administration pénitentiaire, qui évoque un incident « inédit » dû à un début d’incendie sur un disjoncteur, n’était pas en mesure mardi de dire quand le centre serait remis en service. 
La CGT Pénitentiaire et FO estiment que l’Etat doit reprendre la gestion des prisons plus directement et jugent que la sécurité des personnels et des détenus a été mise en cause. « Nous étions opposés à ce type de privatisation, car ça coûte très cher à l’Etat. Si en plus les équipements ne sont pas en bon état de marche (…), c’est catastrophique », a dit Céline Verzeletti, de la CGT Pénitentiaire. Le secrétaire général adjoint de FO Pénitentiaire, René Sanchez, estime pour sa part, dans un communiqué, qu’ »il serait simplement bien de rappeler au privé ses obligations dans le cadre de la gestion déléguée ».
La délégation de la construction de prisons au secteur privé est ancienne mais elle a été accentuée avec un plan de construction lancé sous le gouvernement Raffarin, qui comprenait le centre de Mont-de-Marsan. La population carcérale en France frôle des records avec 63.619 détenus pour 51.000 places.

Le Lot en Action mag n°10. 11 février 2010 par Bluboux

Jeudi 21 janvier 2010

 A propos du comité anti-répression à Poitiers

 

 De l’inter-lutte au Comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux

Il est issu en grande partie du comité inter-lutte 86, comme son nom l’indique, il avait pour volonté de mettre en lien des secteurs « en lutte dans » la région (Education, Hôpital, Entreprises.) et donc par conséquent de rompre l’isolement de certains salariés. Or  cela s’est avéré  être un échec  dans la mesure où le comité ne s’était pas élargi à d’autres secteurs que celui de l’éducation (du mouvement étudiant) dont il provient. Ainsi, s’est posé la question de la pertinence du comité de s’appeler inter-lutte car  la  » mèche » n’a pas pris. Ce fut une période de lutte malgré les illusions suscitées par les grandes « journées de mobilisations » syndicales : un long et dur blocage de l’université de Poitiers avec occupation ainsi qu’une impressionnante vague publiphobe  déferlent sur les panneaux publicitaires de Decaux [1] . Afin d’enrayer cette dynamique et ses potentialités, la Police réagira de manière plus violente et plus provocante (ou en d’autres termes, plus « appropriée »), tel est son essence même après tout : de gestion quotidienne des gestes et des corps.  Dès lors, la  Répression frappa en deux temps sur les deux  mouvements : à commencer sur les étudiants occupants/bloqueurs (certains prendront du sursis) et ensuite sur le mouvement antipub (la presse parle, sans rire, de mouvance « anarcho-autonome »  [2]) où une peine de prison préventive de deux mois fut infligée à un camarade. Entre ces deux temps, il y a eu l’expulsion manu militari, brutale  d’un squat rue de Paris au  69bis (a proximité du local du « Collectif 23 ») [3]

Ainsi le comité inter-lutte en manque de perspectives politiques et de luttes s’est peu à peu transformé en un comité contre la répression des mouvements sociaux. Ainsi il s’est étendu à tous les individus qu’ils soient membres ou non de partis politiques et/ou syndicats, associations de la ville. Il a permis, et ce dès les premières réunions d’évoquer les expériences vécues avec la Police – ses agissements- et la Justice – machine à broyer- par une partie de la jeunesse  militante poitevine afin d’éviter leur isolement  à cause de leur penchant politique et idéologique (anarchistes/ libertaires/dits « autonomes»). Ainsi le principe de défense de tout acte à caractère politique doit primer et tout individu doit être défendu quoi qu’il fasse (de l’antipub jusqu’à la manifestation du 10 Octobre 2009 en passant par la réquisition de logements vides)

Or très vite, l’on a vu qu’il y avait des contradictions au sein du Comité Anti Répression. Il n’y a pas de positionnement politique défini : seuls l’anticapitalisme et/ou l’antilibéralisme au vu les tendances politiques signataires  en sont la base. Bien évidemment,  on a vu  apparaitre des divergences politiques très claires, surtout après les « évènements du 10 » et la répression  policière et judiciaire qui s’ensuivirent. Les divergences ont bien eu lieu par rapport au Comité de soutien des deux étudiants incarcérés qui s’est positionné sur une ligne apolitique voire de division entre les inculpés et incarcérés [4] et une démarche innocentiste qui n’avaient pas de sens aux yeux de nombreuses personnes au sein du Comité Anti Répression. Ce dernier  a organisé une manifestation avec un discours politique clair et précis : solidarité avec tous les inculpés, arrêts immédiats et inconditionnels des poursuites…

Devenir un réceptacle des luttes partisanes?…

La journée du « 10 Octobre » est l’affaire dans cette petite ville  aux apparences calmes  mais un enjeu politique national majeur se joue très clairement en  Poitou-Charentes. Ici, c’est le fief de « Ségo», la préfecture est à droite (M .Tomasini -l’expulseur de Cachan [5], un proche de Pasqua et de Sarkozy) et Claeys- le maire PS – mais pas vraiment ségoleniste-. Tout un petit scénario classique de la politique-spectacle, dans une ville de la « gauche » associative. C’est pourquoi, les organisations  de la  « gauche interventionniste » et d’extrême gauche vont  surenchérir sur le thème de l’insécurité  afin de s’en accaparer comme tremplin pour les prochaines élections régionales. C’est à ce moment là que l’on a vu certaines organisations rentrer dans le Comité Anti Répression avec des arrière-pensées électorales : la « déclaration solennelle » signé par des élus de «  gauche » avec celui du Modem  de la Communauté d’Agglomération de Poitiers affiche clairement  une volonté de concurrencer Hortefeux dans sa politique répressive (  » Les casseurs qui ont dégradé Poitiers doivent être arrêtés et jugés. Leurs actes sont injustifiables et inexcusables. «  [6] Encore une fois les élus « de gauche » ont  prouvé leur médiocrité voire même leur allégeance au discours et au  parti dominants. A ce jeu là,  il est vrai que le Parti Communiste poitevin nous  a  fait rire avec sa vision paranoïaque et « complotiste » des faits : grosso modo, c’est Hortefeux et sa police qui a tout financé, tout orchestré, même le tract d’autodéfense juridique [7] Bref… Ce qui est assez marquant de la part d’organisations se réclamant comme des relais des travailleurs, des opprimés et des laissés pour compte, ne faire aucun discours conséquent, ni même une analyse autour des questions  l’enfermement (prison, psychiatrie par exemple ).C’est une véritable occasion manquée de leur part dans la mesure où un des plus grands centres de détention « nouvelle génération »[8] de France s’est construit dans la région ( Centre pénitentiaire Poitiers-Vivonne).

Ainsi, des oppositions politiques au sein du Comité sont établies, la « déclaration solennelle » est en quelque sorte une déclaration de guerre.…Elle met en lumière les divergences et montrent que le comité anti répression peut être aussi  perméable  à ce type de comportement nauséabonds : la délation, une certaine forme de désolidarisation, double jeu électoraliste. Ces  positions prouvent qu’il y a des ennemis politiques au sein du comité anti répression. Elles tendent également à ébranler la confiance entre les membres du comité qui agissent a priori à titre individuel et non pour leur chapelle politique. Ces mêmes personnes qui dénoncent « l’ultragauche » comme le jouet politique de l’épouvantail  électoraliste de « l’ultra droite » à la Hortefeux [9] considèrent le comité anti répression également comme un jouet…..

Ou une force de proposition contre la résignation ?

Or, le comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux, comme tout autre comité anti répression et/ ou caisse de soutien/solidarité peut être autre chose qu’un jouet politique .C’est pourquoi, il ne peut se contenter de rester qu’une force de défense d’inculpés ou autre incriminé par la Justice. Le comité anti répression est là avant tout pour soutenir politiquement,  financièrement, en organisant soirée de soutien, création de caisse, appel à d’autres caisses… Et aussi moralement  en brisant l’isolement des inculpés. Le Comité peut offrir des armes juridiques en appelant des avocats, en distribuant des tracts ou brochures d’autodéfense juridique [10] et [11]. C’est une arme politique intéressante grâce au nombre et la solidarité  donc  éminemment nécessaire et stratégique même si persiste toujours un sentiment d’impuissance ; et c’est « normal » étant donné le rapport de force  qui n’est pas en notre faveur et qu’actuellement les luttes ne paient guère (mis à part quelques  lots de consolation telle que la grève générale en Guadeloupe ou bien la lutte des « Contis »).Cependant, le comité anti répression est un moyen – comme un autre – de « conscientisation » politique d’un nombre de personnes méconnaissant les dispositifs de contrôle et de gestion  des affects et des corps  par la Police et de sa Justice au moment  de lutte et/ ou mouvement social réprimé durement ( comme ce fut le cas pendant le CPE en 2006, ou bien à St Nazaire en 2009 ). Ces situations créent des rencontres et des dynamiques dépassants les cadres et les milieux militants habituels en touchant toutes les générations, les classes, les professions. De plus, cela a pour effet de démystifier toutes les croyances citoyennes en la Justice juste (sic) et ses fondements : Les Droits de l’Homme, pourtant invoqués  lors de la défense d’inculpés/prévenus. [12]

Ainsi, le Comité  Anti Répression  n’est pas dans l’expectative ! C’est pourquoi  ce serait intéressant qu’il  devienne  une force d’action et d’analyse politique , de proposition et un lieu de débats plus conséquents sans pour autant devenir un groupe  politique à proprement parlé ou bien une organisation, mais comme un outil rodé qui est là, présent, prêt à être utiliser  à tout instant face  à l’oppression. Et si possible loin des querelles de chapelles. Là risque de se poser des problèmes avec les organisations/syndicats, et associations soutenant le comité anti répression et de leur degré d’implication surtout lorsqu’il s’agit de défendre des actes politiques se démarquant clairement de leur méthode/stratégie ou  même pire de leurs convictions politiques et philosophiques, nous verrons.

Pour finir, ce serait nécessaire et donc intéressant que les caisses de soutiens, et les comités anti répression qui ont pullulés dans plusieurs villes [13] ces dernières années au gré des luttes successives et de la répression qui s’en est suivie, se connectent un peu plus, se rencontrent afin de discuter de nos expériences locales vécues pour y faire émerger une force, une arme : à commencer  par celle de la solidarité!

 

Notes :

[1] Article Centre presse du 6/05/09 (Denys Fretier )

[2] Article Centre presse du 20/05/09 (Denys Fretier )

[3] Réponse à l’article de la  Nouvelle République du  27/05/09 (Vincent Buche)  dans « La Mère Peinarde » : avec description précise de l’interpellation.

[4] La  ligne  du collectif de soutien aux deux étudiants « oublia » dans un premier temps l’autre incarcéré Patrick considéré comme marginal (la presse disait même qu’il était SDF !). Donc, il  interpréta cette ligne comme « une défense de classe » de jeunes privilégiés (car étudiants-ayant-un-avenir) en plus de  la composante du comité : élus et notables de la ville.

[5] Mr. Tomasini décréta l’expulsion du plus grand squat de France situé à Cachan où plus de 200 familles, en majorité africaine y vivaient. http://www.hns-info.net/spip.php?article8922

[6] Déclaration solennelle du maire signé par les élus : http://grenoble.indymedia.org/2009-10-29-elus-de-gauche-et-double-jeu-a

[7] Fac-similé distribué lors de la manif organisé par le Comité Anti Répression  du 19 octobre.

[8] Prisons « nouvelles générations » : Partenariat Public/Privé. Les groupes privés ne se contentant pas seulement de construire (ex : Eiffage ou Bouygues ) mais régiront des aspects de  la vie des détenus.

[9] Dessin d’AdèLE vu sur http://www.justicepourtous.org/

[10] Face à la Police, Face à la Justice:  http://infokiosques.net/spip.php?article538

[11]  Guide du manifestant arrêté :  http://www.guidedumanifestant.org/  

[12] Contribution aux discussions sur la répression antiterroriste :     http://infokiosques.net/imprimersans2.php?id_article=761

[13] Les caisses de solidarité :

http://juralibertaire.over-blog.com/pages/Les_caisses_de_solidarite-2267931.html

 

 


Le Néolibéralisme réprime et emprisonne, toujours plus.

Vendredi 8 janvier 2010

Les années 80

    Une logique sécuritaire s’étend chaque jour, qui inquiète jusqu’à certains magistrats, avocats et psychiatres la pétition « l’appel des appels » en particulier), s’abat sur des militants à Poitiers comme ailleurs. Pour en parler, il nous faut faire un petit rappel historique.

Le capitalisme sous sa forme « néolibérale » est passé à l’offensive dans les années 80.

En France, la social démocratie a renié toutes ses promesses en menant une gestion « loyale » du système ( les « années Mitterrand »). Jospin et sa « gauche plurielle » ont privatisé à tout-va avec une auto-satisfaction toujours affichée.

L’implosion des pays dits « socialistes », et le ralliement de leurs directions au capitalisme sauvage a accrédité l’idée d’un capitalisme indépassable.

En France, ce fut la destruction minutieuse et systématique de ce qui avait été appelé « État providence » ou « État social ». Le compromis social issu de l’après-guerre a été jeté aux chiens par les capitalistes et leurs politiciens. L’État s’est recentré sur ses fonctions régaliennes de répression et de domination de classe. La vérité cruelle de l’État bourgeois apparaissait: être au service exclusif de la classe dominante.

C’est devenu le monde dans lequel nous vivons. Le chômage de masse est installé. Les salariés gagnent toujours moins, les jeunes sont toujours plus précaires.

Les capitalistes font des profits les plus faramineux possibles. Les inégalités sociales s’accroissent de façon vertigineuse. Ce profit, maximum et le plus rapidement possible pour une étroite élite, est la seule règle pour les tenants de l’État, de l’État répressif.

Le relatif consensus ancien qui faisait accepter l’ordre capitaliste a disparu. Toute revendication des salariés ou des jeunes est présentée comme insensée, nuisant à la logique économique; les bureaucraties syndicales, spécialistes de négociations sans fin et sans résultat, voient leur influence diminuer.

Tout mouvement social se heurte à une fin de non-recevoir brutale de la part des fondés de pouvoir de la classe dominante. La colère monte; les conflits durs mais isolés se multiplient. Un appareil répressif monstrueux se développe, depuis le surarmement des policiers et le développement de brigades préposées à la provocation jusqu’aux fichages multiples.

Avec Sarkozy, nous connaissons une criminalisation croissante des luttes sociales et une assimilation constante de la jeunesse, des ouvriers immigrés et d’autres à une « classe dangereuse » . Un pas de plus est franchi dans la répression et la mise en cause de nos libertés. Beaucoup de jeunes, d’immigrés et d’autres le vivent ainsi. Et pour eux :il n’y a pas de compromis possible avec l’État.

Les années 2000

Depuis le début des années 2000, les inflexions néolibérales des gouvernements Juppé, Jospin, Raffarin, Villepin et Fillon ont entériné l’idée d’un traitement pénal de la misère et justifié la mise en place d’un arsenal répressif (fichage ADN, extension des garde-à-vue, fichier Edvige sous diverses moutures, systématisation de la vidéo-surveillance) qui réduit les libertés individuelles et participe à l’instauration d’une utopie sécuritaire qui s’enracine dans la société. Cette utopie ignoble n’a qu’un but, faire intérioriser à toutes les catégories d’exclus et de précaires que la seule réponse à leur révolte sera d’aller en prison.

La stratégie du gouvernement est claire: faire de l’extrême-gauche et des anarchistes un épouvantail, un « ennemi de l’intérieur » supplémentaire qui justifie la répression contre tous ceux qui se révoltent contre la logique du capital. Tous les inculpés du 10 octobre, en ont fait les frais. La répression sauvage et le battage médiatique qui ont précédé la venue du ministre Hortefeux à Poitiers ont instauré un climat de tension. Ce climat, dont le but affiché était de justifier un état d’exception ou d’exemplarité, a conduit nos camarades en prison. Il s’ajoute à la « guerre privée » que mène les forces de police de Poitiers contre la jeunesse militante de Poitiers, tout particulièrement les militants libertaires. Privatiser la répression, médiatiser la sécurité, tel est devenu le mot d’ordre des politiques néolibérales.

Le pouvoir et les médias ont toujours cherché à mettre en scène cette violence sous une forme spectaculaire, aliénée et désespérée. Les médias opèrent une sélection sociale de l’information et cherchent à renvoyer à l’ « opinion publique » des signaux rassurants ou effrayants sur l’état de la société. Les révoltes sont assimilées à la déraison.

Tant qu’une presse alternative pluraliste et foisonnante n’existera pas- on en voit quelques possibilités sur Internet et dans la presse papier-, la presse existante gardera un rôle d’information impossible à ignorer-impossible d’accepter sans critique non plus ce qui y est écrit.

Les nouveaux autonomes : nouvelle avant-garde auto proclamée?

Quelques mots sur ce qui s’est passé à Poitiers, le 10 octobre. L’action de quelques dizaines de personnes (bris de vitrines, etc…) squattant une manifestation de quelques centaines de personnes a eu un écho national. Cette action eut un caractère extrêmement minoritaire et limitée dans les revendications qu’elle porte.

Les groupes désignés par l’État comme « anarcho-autonomes » comme responsables s’abstinrent volontairement, les jours et les semaines suivantes, d’en expliciter le sens. Cela donna lieu à une véritable spéculation dans l’interprétation et laissa le champ libre au gouvernement pour alimenter les fantasmes sur une « ultra-gauche » potentiellement « terroriste », (invention étatique réalisée depuis l’affaire des emprisonnés de Tarnac). Puis il y eut un communiqué dans le Monde où des « coucous » revendiquaient leur action. Sans un mot pour la population poitevine. Sans un mot pour les manifestants qui virent leur action dévoyée par des groupes peu nombreux, masqués, organisés et muets. Seul importait à ces para-militaires « autonomes » de faire un pied de nez à l’appareil répressif.

La répression s’était s’abattue sur un certain nombre de nos amis.

Quelques mots sur ceux de ces « autonomes » qui permettent par leurs écrits d’en dire quelque chose. Prenons un ouvrage de référence, cité et critiqué dans les milieux « autonomes » tel que « l’Insurrection qui vient ». C’est certes un contre-point théorique à la vision médiatique de la violence. Ils proposent la description d’un capitalisme qui serait déjà mort, sans démontrer cette affirmation originale. Ils proposent l’anonymat le plus strict avant de multiplier les interviews au Monde. Ils participent de la mise en spectacle de la société, posant le commun des mortels en spectateurs passifs de leurs « prouesses ». Dans leur imaginaire littéraire débridé, ils participent à l’occultation des raisons matérielles et historiques des inégalités et des luttes sociales.

« Tourner l’invisibilité en position offensive! » proclame « l’Insurrection qui vient ». Il ne s’agit plus seulement d’éviter d’être identifié pour ne pas être dominé, il s’agit de s’auto-ériger en tenants de la nouvelle guérilla urbaine. « Il y a ceux qui s’indignent et ceux qui s’organisent », ou comment se comporter en avant-garde, en se libérant des contraintes historiques et autoritaires de la notion d’avant-garde , avec une pédagogie approximative et abrutissante. Être les disciples éclairés de la révolte au milieu de la cohorte des crétins aliénés, pour reléguer la lutte des classes à une « dérive idéologique », à un réflexe d’auto-conservation.

D’autres courants de « l’autonomie » proposent surtout de « vivre dans les interstices de ce système » pour échapper à sa logique mortifère. Ce peut être un choix personnel, familial ou communautaire, extrêmement riche parfois, mais ce n’est pas, en soi, un choix politique, selon nous. La phase du capitalisme actuel est celle d’une marchandisation des vies et des corps comme l’Humanité n’en a probablement jamais connu. Vivre en marge du capitalisme, reste être dans les logiques de profit qui ont pénétré partout (même si c’est pour les dénoncer tous les jours).

Pour notre part, la lutte des classes, en devenant toujours plus consciente et plus organisée démocratiquement pour renverser un jour ce système d’exploitation, doit rester un objectif et le moyen de l’émancipation.

Le débat, sautant qu’il sera possible, se poursuivra avec des courants anarchistes, communistes libertaires et autonomes.

Construire un mouvement de subversion du capitalisme qui soit hégémonique.

 

Avec les déçus des échecs des mouvements sociaux, des stratégies des bureaucraties syndicales et des partis institutionnels, nous voulons contribuer à forger une alternative et une stratégie politique.

Nous défendons l’idée que la transformation sociale se fera par l’irruption de la masse des exploités et des opprimés sur la scène politique, là où se décide leur avenir, non pas par l’action minoritaire de quelques petits groupes insurrectionnels.

Les syndicalistes radicaux et sourds aux avertissements des bureaucrates syndicaux, les ouvriers immigrés actuellement en grève, les faucheurs d’OGM, les jeunes qui refusent de plier l’échine devant les provocations policières décidées au plus haut niveau sans se laisser aller à une guerre privée perdue d’avance face à l’appareil répressif, telles sont des formes de la vivante radicalité à visage découvert qui nous semblent montrer qu’un autre monde se construit.

Cela nous semble prouver que des luttes convergentes, massives, démocratiquement organisées sont possibles et peuvent être victorieuses demain.

Aujourd’hui, le capitalisme dans sa phase néolibérale, est en crise. Contrairement à ce que des adorateurs de ce système annoncent, cette crise s’annonce pire cette année nouvelle. Plus de chômage, plus de précarité. Plus de détermination de l’Etat, personnifié par Sarkozy, à faire payer la crise uniquement aux classes populaires et à continuer à tout faire pour protéger les surprofits des banques et des grandes entreprises, des capitalistes. C’est une répression accrue qui sera, dans cet objectif, mise en œuvre par le pouvoir. C’est une criminalisation systématique des mouvements sociaux qui va s’accentuer. C’est là l’importance que nous donnons à ce comité « antirépression »et aux comités du même type qui existent en France.

Texte écrit à partir de l’élaboration collective de quelques militants du NPA de Poitiers.

Le coup d’Etat du 4 février 2008

Dimanche 14 juin 2009

Sous la deuxième république française, la fin de la démocratie a eu lieu officiellement le 2 décembre 1851, avec le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte. Sous la cinquième république, la date officielle est le 4 février 2008, date du coup d’Etat de Versailles. Le peuple français, consulté par referendum sur un projet de constitution européenne élaboré par la gouvernance, avait repoussé ce projet par 55% des voix. La gouvernance a changé la faveur qui entourait l’emballage du projet, puis a réuni le Parlement en Congrès à Versailles, qui a décidé d’adopter le Traité de Lisbonne et de s’essuyer le postérieur avec nos bulletins de vote.

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Post-situationniste plus qu’ultra-gauche Libération 29-05-09

Lundi 1 juin 2009

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Très charpentée, la pensée de Julien Coupat emprunte à Debord, Foucault et Agamben.

Autant qu’un fiasco policier, «l’affaire Coupat» constitue l’un des signes les plus tangibles d’une effervescence intellectuelle perceptible en France et en Europe depuis une poignée d’années. Dans la nébuleuse multiple et parfois contradictoire de la «pensée radicale», Julien Coupat incarne, en schématisant à l’extrême, la variante «post-situationniste». Deux séries de textes issus de cette mouvance témoignent d’analyses extrêmement charpentées : l’Insurrection qui vient, dont Coupat nie être l’auteur sans en rejeter la proximité intellectuelle, et les textes publiés par le groupe Tiqqun, qu’il coanima de 1999 à 2001 (1).

«Dépendances». Trois influences s’y croisent. Tout d’abord, celle de Guy Debord, l’auteur de la Société du spectacle. Coupat en fit le sujet de son DEA à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), un travail suffisamment novateur pour que les sociologues Luc Boltanski et Eve Chiapello s’y réfèrent dans le Nouvel esprit du capitalisme. Pour Boltanski, dont Coupat a suivi avec assiduité le séminaire, «Julien est un philosophe extrêmement cultivé et extrêmement talentueux.» On trouve des échos de Debord et son style chantourné dans l’Insurrection : «La quête de soi, mon blog, mon appart, les dernières conneries à la mode, les histoires de couple, de cul… ce qu’il en faut de prothèses pour faire tenir un Moi ! Si « la société » n’était pas devenue cette abstraction définitive, elle désignerait […] l’ensemble des dépendances que j’ai contractées pour prix de mon identité.» Signe des temps : ces dernières années, Debord est redevenu, en tout cas à l’EHESS, un auteur auquel on se réfère. Michel Foucault est l’autre grand inspirateur de cette mouvance. Quand Tiqqun décrit les sociétés modernes comme «enchevêtrement de normes et de dispositifs par lesquels on tient ensemble les lambeaux épars du tissu biopolitique mondial», c’est toute la réflexion du philosophe français sur l’Etat et son immixtion dans la vie quotidienne des individus qui est condensée en quelques mots. Mais c’est un troisième homme qui occupe la place centrale dans la généalogie intellectuelle de Julien Coupat : le philosophe italien Giorgio Agamben, figure majeure de la pensée contemporaine.

«A découvert». Spécialiste de Heidegger, Benjamin et Foucault, Agamben réfléchit au pouvoir (la «souveraineté») et l’individu qu’il va gouverner («la vie nue»). Ses formulations sans pincettes («le camp de concentration comme paradigme de l’Occident») ou sa décision de ne plus enseigner aux Etats-Unis par refus du passeport biométrique ont pu semer le trouble. Un théoricien anti-démocrate ? Un partisan de la violence ? «Agamben n’a jamais appelé à des formes de résistance violentes, au contraire, répond son traducteur Martin Rueff. Ce qu’il cherche, c’est comment sortir des dispositifs qui assujettissent l’individu.» Il y a dix ans, dans Libération, Agamben expliquait, en citant Arendt : «Quand tout le monde se laisse entraîner sans réfléchir, ceux qui pensent se retrouvent comme à découvert, et leur refus de se joindre aux autres devient alors une forme d’action.»

 

(1) Certains sont repris dans Contribution à la guerre en cours, éditions La Fabrique.

Mes journées à l’Assemblée: Estrosi et ses cagoules

Jeudi 28 mai 2009

Source : assemblee.blogs.liberation.fr
La proposition de loi que vient de déposer Christian Estrosi dont l’objectif est, paraît-il, de lutter «contre les bandes violentes» comporte un article 3 dont la teneur a déjà fait beaucoup parlé. Il s’agit de «compléter le Code pénal pour…
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L’idéologie qui tient la plume du législateur…Par Michel Sparagano, professeur de philosophie. L’Humanité 09-05-09

Lundi 11 mai 2009

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Peut-on tolérer la loi quand elle tolère l’injustice ?

« Il y a des limites à ne pas dépasser ! » Voilà, en substance, le message qui est envoyé actuellement à tous ceux qui sont tentés de résister contre l’avenir de chômage et de misère que la crise leur promet. Or, dans un État de droit, les limites à ne pas dépasser sont forcément celles de la loi. Reste que la crise actuelle est celle de tout un système, y compris de sa composante juridique, et qu’il n’est peut-être pas inutile de réfléchir sur les limites à l’intérieur desquelles nous sommes autorisés à… réfléchir.

Des salariés ont donc fait le choix de ne pas se résigner et les moyens qu’ils utilisent ne sont pas toujours légaux. Soit ! C’est alors que l’on nous rappelle que retenir son patron vingt-quatre heures est une « séquestration » ; laquelle peut valoir quelques années de prison. Dont acte ! Mais quand un patron retient un salarié sur son lieu de travail le dimanche, on appelle ça un « accord ». Reste que si aucune pression physique n’oblige le salarié, on sait bien que personne n’échange du temps avec sa famille contre de l’argent sans subir une pression salariale (légale). Donnez des salaires décents aux salariés et vous verrez ce qu’il adviendra du travail le dimanche…

Ce simple exemple illustre bien ce que tout élève de philosophie sait : à côté des violences ponctuelles (« séquestrations », par exemple), il y a aussi des violences structurelles qui, par définition, sont dans les structures mêmes de la société (une masse importante de chômeurs empêchant les salariés d’avoir des salaires corrects, par exemple). La distinction n’est pas sans intérêt, lorsque l’on découvre que bien des violences ponctuelles sont la conséquence de violences structurelles, ces dernières n’étant finalement pas « à côté », mais « en dessous » des – premières !

De la même façon, dégrader l’outil de travail (comme l’envisagent certains ouvriers) est illégal. Soit ! Mais dégrader la vie des gens (chômage, temps partiel non choisi, flexibilité imposée…) est légal !

Occuper une usine, une école ou même une église (qu’on se souvienne de l’église Saint-Bernard à Paris) est une violation de la propriété privée et la loi punit cela sévèrement. Bien ! Mais occuper un pays, en revanche (l’Irak, par exemple) et lui pomper son pétrole, cela s’appelle « exporter la démocratie » (à noter que notre président condamne le premier type d’occupation et regrette

de n’avoir pu participer au deuxième) !!!

Jeter un Kleenex par terre est une pollution et un délit, mais jeter un salarié comme un Kleenex s’appelle une restructuration (légale) !

Refuser d’aider quelqu’un qui se noie est assimilé à de la « non-assistance à personne en danger », mais le refus de laisser se noyer un sans-papiers est assimilé, lui, à un acte qui « facilite le séjour irrégulier d’un étranger en France » (article L. 622-1 du Code de procédure pénale) ! Comment ne pas s’interroger sur ces différences qui en disent long sur l’idéologie qui tient la plume du législateur ? Ainsi, traverser une frontière sans y avoir été invité est illégal, mais affamer quelqu’un dans les limites de ses frontières (en subventionnant l’agriculture européenne ou américaine, ruinant ainsi les producteurs de coton maliens, par exemple), cela s’appelle de la libre concurrence, et c’est légal, bien entendu ! Sauter avec un parachute au-dessus de Paris est illégal, mais sauter avec un parachute au-dessus d’un plan social est permis. Il suffit que le parachutiste soit un patron et le parachute, « doré » !

Bref, voler, c’est pas bien, mais mourir de froid, c’est pas de chance !

Comment ne pas voir après tout cela que la loi n’est pas neutre, qu’elle condamne (ou pas) en fonction d’une idéologie qui n’est pas toujours avouée. Du coup, lutter contre les effets de la crise du capitalisme en restant à l’intérieur des lois rédigées selon des principes capitalistes qui protègent davantage la propriété privée que les gens, cela peut sembler à certains inefficace. Que penser d’un système juridique qui condamne le vol et pas la misère ? Et comme c’est bientôt l’époque du baccalauréat, je propose au ministre un sujet de dissertation pour l’épreuve de philosophie : « Lorsque la loi tolère l’injustice, peut-on encore tolérer la loi ? »

Et si l’Etat policier sarkozyste entretenait des brigades de provocateurs violents déguisés en anarcho-autonomes ? Camarade black-bloc, tu débloques rien. Lucky 06/05/2009

Vendredi 8 mai 2009

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