Archive de la catégorie ‘Coupat’

Post-situationniste plus qu’ultra-gauche Libération 29-05-09

Lundi 1 juin 2009

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Très charpentée, la pensée de Julien Coupat emprunte à Debord, Foucault et Agamben.

Autant qu’un fiasco policier, «l’affaire Coupat» constitue l’un des signes les plus tangibles d’une effervescence intellectuelle perceptible en France et en Europe depuis une poignée d’années. Dans la nébuleuse multiple et parfois contradictoire de la «pensée radicale», Julien Coupat incarne, en schématisant à l’extrême, la variante «post-situationniste». Deux séries de textes issus de cette mouvance témoignent d’analyses extrêmement charpentées : l’Insurrection qui vient, dont Coupat nie être l’auteur sans en rejeter la proximité intellectuelle, et les textes publiés par le groupe Tiqqun, qu’il coanima de 1999 à 2001 (1).

«Dépendances». Trois influences s’y croisent. Tout d’abord, celle de Guy Debord, l’auteur de la Société du spectacle. Coupat en fit le sujet de son DEA à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), un travail suffisamment novateur pour que les sociologues Luc Boltanski et Eve Chiapello s’y réfèrent dans le Nouvel esprit du capitalisme. Pour Boltanski, dont Coupat a suivi avec assiduité le séminaire, «Julien est un philosophe extrêmement cultivé et extrêmement talentueux.» On trouve des échos de Debord et son style chantourné dans l’Insurrection : «La quête de soi, mon blog, mon appart, les dernières conneries à la mode, les histoires de couple, de cul… ce qu’il en faut de prothèses pour faire tenir un Moi ! Si « la société » n’était pas devenue cette abstraction définitive, elle désignerait […] l’ensemble des dépendances que j’ai contractées pour prix de mon identité.» Signe des temps : ces dernières années, Debord est redevenu, en tout cas à l’EHESS, un auteur auquel on se réfère. Michel Foucault est l’autre grand inspirateur de cette mouvance. Quand Tiqqun décrit les sociétés modernes comme «enchevêtrement de normes et de dispositifs par lesquels on tient ensemble les lambeaux épars du tissu biopolitique mondial», c’est toute la réflexion du philosophe français sur l’Etat et son immixtion dans la vie quotidienne des individus qui est condensée en quelques mots. Mais c’est un troisième homme qui occupe la place centrale dans la généalogie intellectuelle de Julien Coupat : le philosophe italien Giorgio Agamben, figure majeure de la pensée contemporaine.

«A découvert». Spécialiste de Heidegger, Benjamin et Foucault, Agamben réfléchit au pouvoir (la «souveraineté») et l’individu qu’il va gouverner («la vie nue»). Ses formulations sans pincettes («le camp de concentration comme paradigme de l’Occident») ou sa décision de ne plus enseigner aux Etats-Unis par refus du passeport biométrique ont pu semer le trouble. Un théoricien anti-démocrate ? Un partisan de la violence ? «Agamben n’a jamais appelé à des formes de résistance violentes, au contraire, répond son traducteur Martin Rueff. Ce qu’il cherche, c’est comment sortir des dispositifs qui assujettissent l’individu.» Il y a dix ans, dans Libération, Agamben expliquait, en citant Arendt : «Quand tout le monde se laisse entraîner sans réfléchir, ceux qui pensent se retrouvent comme à découvert, et leur refus de se joindre aux autres devient alors une forme d’action.»

 

(1) Certains sont repris dans Contribution à la guerre en cours, éditions La Fabrique.

Le camp Coupat soigne son droit Libération 20-05-09

Samedi 30 mai 2009

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Tarnac. Les avocats du suspect se battent pour que le juge antiterroriste soit dessaisi.

Jean-Claude Marin, le procureur de la République de Paris, est furieux. La sortie hypermédiatisée de Julien Coupat de la prison de la Santé ferait passer pour blanc comme neige le principal suspect de l’affaire de Tarnac. Dans un communiqué diffusé vendredi, il rappelle que «M. Julien Coupat demeure mis en examen [notamment pour le chef] de direction ou organisation d’un groupement formé en vue de la préparation d’un acte de terrorisme». Selon lui, «cette mise en examen repose sur des charges significatives». Quelques heures plus tard, Coupat réplique en faisant appel de son contrôle judiciaire, qui l’oblige à se tenir entre Montreuil (Seine-Saint-Denis) et Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), à payer 16 000 euros de caution et qui l’empêche de voir sa compagne, Yildune Lévy.

La bataille médiatique continue avec un net avantage pour Coupat et ses soutiens. Une bataille qui en masque une autre. Celle qui se joue dans les galeries du Palais de justice entre le juge d’instruction Thierry Fragnoli et le parquet d’un côté, les avocats de l’autre. Ils s’opposent sur la qualification de l’affaire en terrorisme.

Incompétence. Le 2 avril, les avocats ont ouvert les hostilités. Après la révélation du contenu du dossier d’instruction (et de sa minceur), les avocats des mis en examen ont convoqué une conférence de presse. Objet : annoncer une requête en déclaration d’incompétence à l’intention du juge. En d’autres termes, demander au juge antiterroriste de se dessaisir de l’affaire pour qu’elletombe dans le droit commun.

Le 6 mai, par une ordonnance, le juge a répondu. Pas de raison de lâcher le dossier. C’est une affaire de terrorisme qui relève de sa compétence.

Pour demander la requalification, Mes William Bourdon et Irène Terrel se sont attaqués à «l’infraction d’association de malfaiteur en relation avec une entreprise terroriste», à «l’infraction de direction ou organisation» de cette association de malfaiteur (qui vise Coupat), et à «la notion de terrorisme». Ils se sont appuyés sur des textes de l’ONU qui, selon eux, «doivent primer sur le droit national», affirmant qu’il y a terrorisme lorsque les actes sont «de nature à porter atteinte à l’intégrité physique d’autrui». Or, les sabotages de trains ne pouvaient en aucun cas tuer.

Côté parquet, on a répliqué en se fondant sur le droit français, dans lequel «destructions, dégradations et détériorations», justifient des mises en examen dans un cadre antiterroriste, «non sur la notion de terreur, mais sur celle de l’intimidation».

Une position que reprend à son compte Thierry Fragnoli, invité à trancher. Pour lui, la définition du terrorisme de l’ONU n’en est pas une. Reste «l’intimidation» avancée par le parquet. Il retient une définition d’un texte européen qui explique que le terrorisme «vise à intimider gravement une population, ou à contraindre indûment un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, ou à gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ou d’une organisation internationale». En résumé, pas besoin de tuer pour être un terroriste.

Jurisprudence. Leur requête rejetée, les avocats indiquent avoir formé un appel qui sera examiné par la chambre de l’instruction. Pour Me Bourdon, s’il y avait une jurisprudence «Coupat-Lévy», cela serait «ouvrir une boîte de Pandore toxique pour l’Etat de droit». Me Terrel complète : «On relie des actes entre eux, comme une espèce de petite mosaïque. Quelques bouts de fers sur une caténaire finissent par devenir des dégradations dans une entreprise terroriste. Demain, un simple tag pourrait devenir du terrorisme.»

Sabotages SNCF : Julien Coupat fait appel de son contrôle judiciaire NOUVELOBS.COM | 30.05.2009

Samedi 30 mai 2009

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Remis en liberté jeudi après plus de six mois en détention dans l’enquête sur des sabotages de lignes TGV, Julien Coupat a fait appel du contrôle judiciaire qui lui a été imposé et qui l’astreint notamment à verser une caution de 16.000 euros.

Julien Coupat, chef présumé d'une cellule soupçonné d'avoir saboté des lignes TGV, a été libéré jeudi de la prison de la Santé. Pour sortir, il a préféré se cacher dans le coffre d'un break bleu, conduit par une femme seule. (AFP)

Julien Coupat, chef présumé d’une cellule soupçonné d’avoir saboté des lignes TGV, a été libéré jeudi de la prison de la Santé. Pour sortir, il a préféré se cacher dans le coffre d’un break bleu, conduit par une femme seule. (AFP)

Julien Coupat a fait appel vendredi 29 mai des modalités de son contrôle judiciaire qui lui a été imposé par le juge d’instruction après sa remise en liberté la veille au terme de six mois de détention provisoire dans le cadre de l’enquête sur les actes de malveillance contre les lignes TGV de la SCNF, a-t-on appris de sources judiciaires. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris sera ainsi amenée dans les prochaines semaines à se prononcer sur ce contrôle judiciaire.

Une fois par semaine au commissariat

Julien Coupat s’est vu imposer un contrôle judiciaire qui comporte notamment le versement d’une caution de 16.000 euros et impose qu’il demeure chez lui à Montreuil (Seine-Saint-Denis) ou chez ses parents à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine).
Le contrôle judiciaire lui interdit en outre de sortir d’Ile-de-France et lui impose d’aller pointer une fois par semaine au commissariat de Montreuil où il devra laisser ses papiers d’identité. Il doit également se présenter une fois par semaine au commissariat et ne peut rencontrer ses co-mis en examen, a-t-on indiqué de source judiciaire.
Le parquet de Paris avait donné mercredi son feu vert à la libération de Coupat à condition qu’il soit soumis à un « strict contrôle judiciaire ».

Libération ne signifie pas  » absence de charges »

Plus tôt dans la journée, le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin précisé que la remise en liberté de Julien Coupat après plus de six mois de détention « ne saurait être interprétée comme le signe de l’absence ou l’insuffisance de charges » contre lui.
« Si la mise en examen d’une personne ne préjuge en rien de sa culpabilité, sa remise en liberté au cours de l’information judiciaire ne saurait être interprétée comme le signe de l’absence ou l’insuffisance de charges contre elle », a informé Jean-Claude Marin dans un communiqué.

« Un fiasco judiciaire » pour la gauche

La remise en liberté de Julien Coupat, détenu pendant plus de six mois à la prison de la Santé, a suscité de nombreuses réactions d’associations et de personnalités de gauche qui l’ont interprétée comme un « fiasco judiciaire ».
Julien Coupat, 34 ans, soumis à un « strict contrôle judiciaire », reste mis en examen pour notamment « direction d’une entreprise terroriste et destruction en réunion à visée terroriste ».
« Cette mise en examen repose sur des charges significatives recueillies lors de l’enquête préalable, puis lors de l’information judiciaire qui a permis, par des investigations menées tant en France qu’à l’étranger, d’asseoir davantage la mise en cause de l’intéressé », explique Jean-Claude Marin.

Une « mesure exceptionnelle » qui ne « s’impose plus »

Le procureur relève en outre que « la détention provisoire d’une personne mise en examen est une mesure coercitive exceptionnelle, dont les conditions d’utilisation sont strictement définies et encadrées par le code de procédure pénale ».
« En ayant recours à cette mesure, puis en estimant qu’elle ne s’imposait plus au vu de l’état d’avancement du dossier et des éléments recueillis, le parquet, en requérant la mise en liberté et le juge d’instruction, en l’ordonnant d’office, n’a fait qu’appliquer la loi », conclut-il.

Passibles de la cour d’assises

Mercredi, Julien Coupat avait été entendu mercredi pour la cinquième fois sur le fond du dossier par le juge d’instruction antiterroriste avant d’être remis en liberté le lendemain.
Ecroué depuis le 15 novembre 2008, Coupat était la dernière personne à être détenue dans ce dossier dont la qualification terroriste est remise en question depuis le début de l’affaire par les avocats de la défense qui assurent que le dossier est vide.
Julien Coupat est mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » et « direction d’une structure à vocation terroriste », des chefs passibles de la cour d’assises. Il a toujours protesté de son innocence. (Nouvelobs.com)

Tarnac : les avocats des prévenus réclament un non-lieu LEMONDE.FR | 29.05.09

Samedi 30 mai 2009

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Tarnac : les avocats des prévenus réclament un non-lieu LEMONDE.FR | 29.05.09 dans Coupat a

près plus de six mois de détention, Julien Coupat est sorti de prison, jeudi 28 mai. Présenté comme le cerveau d’un groupe soupçonné de sabotages de lignes de trains à grande vitesse (TGV) fin 2008, il a quitté la maison d’arrêt de la Santé, mais l’affaire n’est pas terminée pour autant. Le jeune homme de 34 ans reste mis en examen, notamment pour « destruction en réunion et direction d’une association de malfaiteurs », le tout « en relation avec une entreprise terroriste », des crimes passibles des assises.

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Cette libération a suscité de nombreuses réactions : l’opposition dénonçant un « fiasco » et Arnaud Montebourg (PS) allant jusqu’à réclamer la démission de la ministre de l’intérieur, Michèle Alliot-Marie, pour avoir « fait monter une sauce politicienne au goût infect ». Vendredi, le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, a lui tenu à préciser que la remise en liberté d’une personne « au cours de l’information judiciaire ne saurait être interprétée comme le signe de l’absence ou l’insuffisance de charges contre elle ».

Les avocats des mis en examen, eux, n’ont pas désarmé. Me Irène Terrel, avocate de M. Coupat, réclame l’« abandon de toutes les poursuites » et envisage de faire appel du placement sous contrôle judiciaire de M. Coupat. Ce dernier a été libéré contre une caution de 16 000 euros, et est obligé de se rendre une fois par semaine au commissariat de Montreuil, de demeurer en Ile-de-France et a dû remettre ses papiers d’identité et son passeport. Il lui est également interdit de rencontrer les huit autres prévenus dans ce dossier.

« QU’EST-CE QUE M. FILLON CONNAÎT DE CE PROCÈS ? »

Me William Bourdon, l’avocat d’une des mises en examen, Yldune Levy, promet qu’après consultations avec ses collègues, les avocats de la défense « se mobiliseront pour obtenir du magistrat instructeur la seule décision qui s’impose, à savoir un non-lieu ». « Tout démontre dans ce dossier que cette affaire est le fruit d’une grande manipulation politique », maintient Me Bourdon, citant pêle-mêle « la scénarisation des interpellations, la mobilisation de moyens exceptionnels, l’acharnement des policiers à tracer des éléments de preuves imaginaires » ou encore « la scénarisation, en forme de communiqué du parquet, de la libération de Julien Coupat ».

Si l’on doutait de la dimension politique de cette affaire, note Me Bourdon, il suffit selon lui d’écouter le premier ministre, François Fillon, expliquer, vendredi matin sur Europe 1, que la « procédure a été respectée ». « La justice estime désormais que l’enquête a suffisamment avancé pour qu’il soit libéré. Il y aura un procès, on saura à ce moment-là la vérité », a notamment dit M. Fillon, des propos qui mettent l’avocat hors de lui. « C’est sidérant ! M. Fillon sait avant tout le monde que le magistrat instructeur va renvoyer certains des mis en examen devant le tribunal. Qu’est-ce que M. Fillon connaît de ce procès pour se prononcer de cette façon ? », lance-t-il, qualifiant les propos de « tentative maladroite pour justifier a posteriori une détention provisoire absolument scandaleuse ». A l’heure actuelle, aucune date n’est fixée pour un quelconque procès et le magistrat instructeur doit encore statuer sur le sort des cinq mis en examen.

En attendant, le comité de soutien aux mis en examen promet également de « déplacer l’affrontement du plan judiciaire au plan politique ». « Avec la libération de Julien tout continue (…) L’enjeu, outre que cette affaire cesse une bonne fois pour toute, c’est de mettre à mal, pour longtemps, les mesures antiterroristes », peut-on lire dans un communiqué. « Donc il n’est pas question de s’arrêter là. »

Luc Vinogradoff

Le «leader» de Tarnac au centre de l’enquête Libération 29-05-09

Samedi 30 mai 2009

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Perquisitions, confidences de ses proches… La police s’est focalisée sur Julien Coupat. Sans obtenir de preuves.

«Julien, il croit à la révolution. Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Qu’est-ce qu’on peut faire ? On a chacun notre petite croix…» C’est ce que confiait la mère de Julien Coupat à une amie, en août. Ses paroles figurent au dossier d’instruction de l’affaire des sabotages des lignes TGV. Confidence enregistrée et retranscrite par un policier attentif, comme dans le film La vie des autres. L’enquête sur Julien Coupat regorge de ces intrusions. Tout a commencé en avril 2008. Par un soupçon encore formulé au conditionnel. «Il existerait sur le territoire national une structure clandestine anarcho-autonome entretenant des relations conspiratives à l’étranger et projetant de commettre des actions violentes dans le but de troubler gravement l’ordre public», dénonçait la direction centrale du renseignement intérieure (DCRI). Coupat en était «le leader». Les «bases logistiques» étaient à Tarnac, en Corrèze, là où Coupat et ses amis avaient acheté en 2005, avec l’aide de leurs parents, le domaine agricole du Goutailloux. «Il y avait de la remise en état de bâtiments et des terres agricoles qui étaient à l’abandon, explique à la police Benjamin Rosoux, chargé de l’épicerie. A l’été 2008, nous avons fait dessoucher mécaniquement 4 hectares de terres, une ancienne plantation de sapins. Il fallait des petites mains pour dépierrer ces terres avant d’y planter du seigle.»

Le témoin «42». A l’été 2008 justement, la sous-direction antiterroriste était déjà à pied d’œuvre autour de la «base logistique». Des photos sont prises au téléobjectif. Et deux caméras, installées dans les arbres, filment les allées et venues dans les chemins. Des visages s’impriment. Les policiers veulent donner consistance à la «structure clandestine» qu’on leur a dénoncée. Jusqu’au 11 novembre, ils ne trouvent rien, hormis la participation de Coupat à deux manifestations, l’une à Paris, contre le fichier Edvige, l’autre à Vichy, contre le sommet européen sur l’immigration. Mais ils suivent Coupat et son amie Yildune Lévy à proximité d’une voie de TGV, sabotée dans la nuit du 7 au 8 novembre.

Au plus haut niveau du ministère de l’Intérieur, la décision est prise d’opérer en grand. Michèle Alliot-Marie annonce elle-même le raid policier sur le Goutailloux. Mais là encore, aucun élément matériel probant. Pas l’ombre d’une arme, pas même un plan d’action. En garde à vue, Julien Coupat, 34 ans, diplômé d’école de commerce, l’Essec, devenu doctorant en histoire de la pensée, ne lâche que quelques mots : «Je récuse ce type de procédure d’exception tant policière que judiciaire dont l’antiterrorisme est le paravent. C’est dans sa nature même d’avoir déjà répondu aux questions.» Il refuse d’en dire plus.

A côté, Yildune Lévy, 25 ans, ne parle pas beaucoup plus. «Je ne comprends pas ce qui m’est reproché, ni même la qualification terroriste des faits.» Puis elle dit seulement : «Pas mentir, pas semblant.» Elle demande à dormir. Questionnée sur sa relation avec Julien Coupat, elle répond : «Couleur.» Unique élément retrouvé dans l’ordinateur d’Yildune, une recette de fabrication d’explosifs, comme on en trouve sur Internet. Le couple est mis en examen et écroué, avec sept autres jeunes de Tarnac, pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste».

Pour muscler le dossier, déjà fragile, les policiers antiterroristes introduisent un témoin sous X, «42». L’anonyme assure que Julien Coupat, qui a animé la revue Tiqqun,«souhaite le renversement de l’Etat». Il aurait constitué autour de lui un groupe dénommé Comité invisible sous section du parti imaginaire, auteur collectif du livre l’Insurrection qui vient.«Les plus proches de Coupat se réunissent à la ferme de Goutailloux afin d’expérimenter une logique de territoire, c’est-à-dire la pseudo-acquisition de savoir-faire agricoles et artisanaux», assure «42». Le témoin mentionne un autre texte collectif, L’appel, issu de plusieurs réseaux, qui préfigure, selon lui, l’Insurrection. «Au cours de l’été 2007, une réunion de l’ensemble du réseau, 45 personnes environ, a lieu à la ferme. L’Insurrection qui vient est finalisée. A partir de là, le groupe constitué autour de Julien Coupat s’est complètement refermé sur lui-même.» C’est donc le témoin «42» qui oriente l’enquête judiciaire sur le livre. Le groupe des jeunes intellectuels néosituationnistes (lire page 4) de Tiqqun est un peu connu. Dans un entretien à la revue Vacarme, le philosophe Giorgio Agamben, définit Tiqqun comme «une revue extrêmement critique, très politique, qui prend un ton très messianique, mais toujours de manière complètement profane». S’ils nourrissent une pensée antipouvoirs, Coupat et ses amis ne sont pas clandestins. Ni vraiment marginaux. Julien Coupat reçoit chaque mois 1 000 euros d’une société immobilière de son père, qui lui prête appartement et voiture.

«Support idéologique». Reste le livre. L’Insurrection qui vient est en librairie. «Il y est ouvertement fait l’apologie des modes de sabotages propres à finaliser la chute de l’Etat, relèvent les policiers. Sont citées les lignes TGV.» Benjamin Rosoux dit aux policiers que ce livre est «une espèce de portrait de la société actuelle» et que Tiqqun publie des ouvrages de «philosophie critique». Le juge, Thierry Fragnoli, télécharge l’Insurrection sur le site des éditions La Fabrique et le verse au dossier. Aux policiers d’identifier l’auteur. «D’après ce que j’en sais c’est un ouvrage collectif, leur répond Rosoux. Aucun auteur n’a voulu le revendiquer, parce que la pensée, c’est collectif.» Devant le juge, Coupat transforme en alibi l’omniprésence des policiers en filature derrière sa voiture, la nuit des sabotages. «Ce ne serait qu’une suite de malheureux hasards ?» ironise le juge. «C’est une hypothèse qui est battue en brèche par le fait que ces actions ont été revendiquées [en Allemagne, ndlr]», répond Coupat. «Qui est l’auteur principal de l’Insurrection qui vient insiste le juge. «Je ne suis pas l’auteur de ce livre», répond le militant. Le magistrat imagine une concordance de dates entre les épisodes révolutionnaires mentionnés dans le livre avec celle de l’action sur les caténaires. «Construction intellectuelle !» rétorque Coupat. Fragnoli voit dans l’Insurrection«le support idéologique justifiant des actes de sabotage ou de violences pouvant s’assimiler à de l’intimidation».«Il me paraît inenvisageable de parler d’idées dans le cadre d’une procédure antiterroriste», tranche Coupat. «Il n’y a pas d’ »affaire de Tarnac » pas plus que d’ »affaire Coupat », ou d’ »affaire Hazan » [l’éditeur de l’Insurrection]», a-t-il dit au Monde, mardi.

Julien Coupat est sorti de prison LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 28.05.09

Jeudi 28 mai 2009

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Julien Coupat est sorti de prison LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 28.05.09 dans Coupat j

ulien Coupat, présenté comme le cerveau d’un groupe soupçonné de sabotages de lignes de trains à grande vitesse (TGV) fin 2008, est sorti jeudi 28 mai en fin d’après-midi de la prison de la Santé à Paris, où il était détenu depuis plus de six mois, selon une source proche du dossier.Une Peugeot bleue break, conduite par une femme seule, est entrée dans la maison d’arrêt et en est ressortie par une issue située à l’arrière avec Julien Coupat dissimulé à l’intérieur, a par ailleurs constaté un journaliste de l’AFP. Peu après, une dizaine de partisans de Julien Coupat ont fait diversion en ouvrant des parapluies devant l’entrée principale pendant une vingtaine de minutes.

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L’ordonnance de remise en liberté rendue par le juge d’instruction Thierry Fragnoli soumet la libération de Julien Coupat au versement d’une caution de 16 000 euros et impose qu’il demeure chez lui, à Montreuil, ou chez ses parents à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), a-t-on précisé au parquet de Paris. Le contrôle judiciaire lui interdit en outre de sortir d’Ile-de-France et lui impose d’aller pointer une fois par semaine au commissariat de Montreuil.

« FIASCO »

Le PS a salué cette sortie de prison, déclarant dans un communiqué que c’était « une très bonne nouvelle pour Julien Coupat, pour ses proches et pour le droit ». Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe communiste du Sénat, estime que l’affaire tourne au « fiasco ».

Le député PS Arnaud Montebourg a quant à lui demandé la démission du ministre de l’intérieur, Michèle Alliot-Marie, pour avoir « infligé sept mois de prison à un innocent ». « Sept mois de prison infligés à un innocent pour faire monter une sauce politicienne au goût infect, dans n’importe quel pays démocratique, cela vaut une démission », a-t-il déclaré.

« INSTRUMENTALISATION »

Le porte-parole de l’UMP Frédéric Lefebvre a critiqué la façon dont, selon lui, des personnalités de gauche « instrumentalisent » cette libération. « Instrumentaliser ce qui n’est donc qu’une étape de l’instruction pour faire croire à l’innocence de Coupat est totalement irresponsable, d’autant que cela n’est fait qu’à des fins électoralistes », déclare le député dans un communiqué.

Julien Coupat reste mis en examen pour « destruction en réunion et direction d’une association de malfaiteurs », le tout « en relation avec une entreprise terroriste », des crimes passibles des assises. Juridiquement, sa remise en liberté n’est pas un aveu de faiblesse de l’accusation, puisque la liberté est en théorie la règle dans le droit français, en raison du principe de la présomption d’innocence.

En pratique cependant, la remise en liberté de tous les membres de ce qui est suspecté être un groupuscule violent n’est quasiment jamais prononcée avant le procès.

Pour Benjamin Rosoux, Julien Coupat est bien victime d’ »une vengeance » Nouvel Obs 27-05-09

Jeudi 28 mai 2009

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Exclusif Présenté par les services de police comme « le bras droit » de Julien Coupat, Benjamin Rosoux revient pour nouvelobs.com sur l’affaire des sabotages SNCF. Il accuse « l’appareil répressif » d »’intoxiquer » avec une « thèse fumeuse ».

Dans une tribune publiée lundi dans Le Monde, Julien Coupat écrit que la prolongation de sa détention est « une petite vengeance ». Etes-vous d’accord avec ce point de vue ? Autrement dit, pourquoi Julien Coupat est-il toujours incarcéré ?

- Ce qui semble s’avérer chaque jour un peu plus c’est que la focalisation sur la personne de Julien Coupat tient à une déformation à la source même de l’enquête préliminaire, qui prend comme hypothèse, dès le départ, son supposé rôle central et le fait suivre en conséquence… Suivez n’importe qui pendant plusieurs mois, et uniquement lui, et vous n’aurez aucun mal à le faire figurer au centre d’une cartographie imaginaire.
Alors oui, je pense que, depuis le 11 novembre, l’acharnement qui se resserre de nouveau toujours plus sur sa personne relève d’une vengeance des services et du parquet qui refusent obstinément d’avouer l’ampleur de leur échec. Outre le postulat invérifiable qu’il serait le chef d’une entité jamais vérifiée, rien ne justifie son maintien en détention.

Dans cette tribune, Julien Coupat assume ses idées et attaque nommément le criminologue et président de l’Observatoire national de la Délinquance Alain Bauer, le directeur de la DCRI Bernard Squarcini, et la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie. Etes-vous en accord avec cette stratégie de défense ?

- De quelle stratégie parlez-vous ? Les enjeux sont différents selon que l’on parle dans la sphère judiciaire ou dans la sphère publique, à la presse par exemple.
Pour ce qui est de la seconde, depuis le début, nous avons pointé du doigt l’offensive politique et judiciaire dont nous faisions l’objet. Sur ce point, je trouve que Julien est plus lucide que violent dans sa tribune. S’il s’agit du simple fait de savoir reconnaître les intérêts de ceux qui cherchent ouvertement à ruiner vos existences au profit de leur petits appétits carriéristes. Alors oui, je suis d’accord avec lui.

Soupçonné par la police d’être l’auteur de « L’Insurrection qui vient », Julien Coupat apporte une réponse claire : c’est non. Pourquoi a-t-il tant tardé à répondre sur ce point ?

- D’une part cette réponse a été donnée au juge depuis bien longtemps. D’autre part, la tribune de Julien est sa première intervention publique.

Comment expliquez-vous alors que les services de police aient continué à évoquer Julien Coupat comme le possible auteur de ce livre ?

- Cela fait déjà longtemps qu’ils s’obstinent à vouloir mettre un nom sur ce livre. Il avait déjà servi de pièce à charge dans trois précédentes affaires remontant à 2007, dans lesquelles des personnes avaient été également mises en examen pour « terrorisme ». Et, à défaut d’autre charges, il faut bien justifier son maintien en détention….

Comment expliquez-vous que les autres pistes – à commencer par le communiqué posté en Allemagne revendiquant les sabotages – aient été si vite écartées par les enquêteurs ?

- Je ne suis pas dans la tête des flics et des magistrats… J’imagine que, comme pour beaucoup d’autres choses dans cette affaire, tout ce qui ne colle pas avec le synopsis des services a été soigneusement écarté, c’est ce qu’on appelle une « instruction à charge ».

Ces dernières semaines, les interpellations de personnes présentées comme des « proches » de Julien Coupat se sont multipliées. Elles ont toutes été relâchées sans qu’aucune charge n’ait été retenue contre elles…

– Il y a des opérations de deux types à mon avis. D’un côté, il y a ce qui se présente comme des manœuvres d’intimidation, à peine voilées, sur des gens qui ont publiquement manifesté leur solidarité face à cette opération d’intoxication politique, et qui adressent, par-là même, un message à tous ceux qui le font. De l’autre, il y a l’attaque directe, sur nos proches, pour étayer la thèse fumeuse d’une cellule clandestine. Le mode même sur lequel sont conduites les interpellations participe de la construction de la figure de l’ennemi : « Si on les arrête de cette manière, c’est bien qu’il y a une raison… »

Vous êtes présenté par la police comme le « bras droit » de Julien Coupat. Pourquoi ? Comment expliquez-vous que vous n’ayez pas été gardé en détention comme lui ?

- Tout cela reste un mystère pour moi. D’autant que je n’ai pas été interrogé depuis ma sortie de prison en décembre, contrairement à d’autres mis en examen. La police n’a aucun argument pour étayer son affirmation selon laquelle je serais « le bras droit » d’un « chef ». Et moi, je ne peux pas prouver ce qui ne peut pas se prouver, à savoir que je ne suis pas le numéro 2 d’un numéro 1 qui n’existe pas. Ce que je sais, c’est que Julien et moi-même étions surveillés depuis longtemps. Comme la plupart des personnes un tant soit peu « militantes » en France, qui s’engagent dans des campagnes contre les expulsions de sans-papiers, les luttes étudiantes, les actions contre les lois sécuritaires…

On vous a interdit de quitter le département de la Manche. Pourquoi cette restriction ? Comment la vivez-vous ?

- Mon contrôle judiciaire a été durci récemment parce qu’on a jugé que je recommençais à prendre un peu trop de liberté. Je dois maintenant signer tous les jours à la gendarmerie. Et j’imagine que me couper de toute vie sociale et de la possibilité de penser avec mes camarades la situation qui nous est faite fait partie de leurs motivations. Six mois, ça commence à faire long.

Vous aviez refusé en mars, comme les autres mis en cause dans cette affaire, de répondre aux questions des juges d’instruction tant que Julien Coupat serait considéré comme le « chef » de votre groupe. Qu’en est-il de vos rapports aujourd’hui avec la justice ?

- Nous nous tenons toujours à cette décision, rien dans l’attitude des juges ne laissant présager qu’ils reviennent sur les constructions littéraires du parquet anti-terroriste.

Mathieu Burnel, l’un des neuf mis en examen, a indiqué qu’il renforçait sa défense sur le plan juridique et politique. Julien Coupat va être, lui, défendu par plus d’avocats. Et vous ?

- Mathieu parlait, je crois, de façon plus générale. C’est la défense dans son ensemble qui devrait être renforcée. Nous refusons jusqu’à présent, dans la mesure de ce qui nous est accessible, l’individualisation de traitement qui est à l’œuvre du côté de la justice. Cette procédure est absurde d’un bout à l’autre, elle ne tient la route pour aucun d’entre nous.
Pour ce qui est de notre défense, les récentes informations selon lesquelles Julien aurait deux nouveaux avocats et qu’il aurait été en rapport avec les ex-inculpés de l’Arche de Zoé sont incorrectes.

Vous avez des contacts avec Julien Coupat ? Croyez-vous qu’il pourrait être remis en liberté bientôt ?

- Je n’ai de nouvelles que très indirectes, et j’ai abandonné depuis longtemps l’astrologie judiciaire!

Des comités vous soutiennent. Qu’en est-il de la classe politique ?

- Laissons la classe politique tenter de se soutenir elle-même, elle en a plus besoin que nous. La seule issue pour nous est de participer à une articulation entre les luttes et les fractions de la population aux prises avec l’appareil répressif dans son ensemble. Pour le faire reculer en défaisant ses opérations de division, qui ciblent des groupes repoussoirs en les surdéterminant, les « anarcho-autonomes », « les bandes de cités », « les casseurs »…

Interview de Benjamin Rosoux par Sarah Halifa-Legrand
(Mercredi 27 mai)

Julien Coupat : « La prolongation de ma détention est une petite vengeance » LE MONDE | 25.05.09

Lundi 25 mai 2009

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Voici les réponses aux questions que nous avons posées par écrit à Julien Coupat. Mis en examen le 15 novembre 2008 pour « terrorisme » avec huit autres personnes interpellées à Tarnac (Corrèze) et Paris, il est soupçonné d’avoir saboté des caténaires SNCF. Il est le dernier à être toujours incarcéré. (Il a demandé à ce que certains mots soient en italique).

OAS_AD(‘Middle1′); Julien Coupat :

Comment vivez-vous votre détention ?

Très bien merci. Tractions, course à pied, lecture.

Pouvez-nous nous rappeler les circonstances de votre arrestation ?

Une bande de jeunes cagoulés et armés jusqu’aux dents s’est introduite chez nous par effraction. Ils nous ont menacés, menottés, et emmenés non sans avoir préalablement tout fracassé. Ils nous ont enlevés à bord de puissants bolides roulant à plus de 170 km/h en moyenne sur les autoroutes. Dans leurs conversations, revenait souvent un certain M. Marion [ancien patron de la police antiterroriste] dont les exploits virils les amusaient beaucoup comme celui consistant à gifler dans la bonne humeur un de ses collègues au beau milieu d’un pot de départ. Ils nous ont séquestrés pendant quatre jours dans une de leurs « prisons du peuple » en nous assommant de questions où l’absurde le disputait à l’obscène.

Celui qui semblait être le cerveau de l’opération s’excusait vaguement de tout ce cirque expliquant que c’était de la faute des « services », là-haut, où s’agitaient toutes sortes de gens qui nous en voulaient beaucoup. A ce jour, mes ravisseurs courent toujours. Certains faits divers récents attesteraient même qu’ils continuent de sévir en toute impunité.

Les sabotages sur les caténaires SNCF en France ont été revendiqués en Allemagne. Qu’en dites-vous?

Au moment de notre arrestation, la police française est déjà en possession du communiqué qui revendique, outre les sabotages qu’elle voudrait nous attribuer, d’autres attaques survenues simultanément en Allemagne. Ce tract présente de nombreux inconvénients : il est posté depuis Hanovre, rédigé en allemand et envoyé à des journaux d’outre-Rhin exclusivement, mais surtout il ne cadre pas avec la fable médiatique sur notre compte, celle du petit noyau de fanatiques portant l’attaque au cœur de l’Etat en accrochant trois bouts de fer sur des caténaires. On aura, dès lors, bien soin de ne pas trop mentionner ce communiqué, ni dans la procédure, ni dans le mensonge public.

Il est vrai que le sabotage des lignes de train y perd beaucoup de son aura de mystère : il s’agissait simplement de protester contre le transport vers l’Allemagne par voie ferroviaire de déchets nucléaires ultraradioactifs et de dénoncer au passage la grande arnaque de « la crise ». Le communiqué se conclut par un très SNCF « nous remercions les voyageurs des trains concernés de leur compréhension ». Quel tact, tout de même, chez ces « terroristes »!

Vous reconnaissez-vous dans les qualifications de « mouvance anarcho-autonome » et d’ »ultragauche »?

Laissez-moi reprendre d’un peu haut. Nous vivons actuellement, en France, la fin d’une période de gel historique dont l’acte fondateur fut l’accord passé entre gaullistes et staliniens en 1945 pour désarmer le peuple sous prétexte d’ »éviter une guerre civile ». Les termes de ce pacte pourraient se formuler ainsi pour faire vite : tandis que la droite renonçait à ses accents ouvertement fascistes, la gauche abandonnait entre soi toute perspective sérieuse de révolution. L’avantage dont joue et jouit, depuis quatre ans, la clique sarkozyste, est d’avoir pris l’initiative, unilatéralement, de rompre ce pacte en renouant « sans complexe » avec les classiques de la réaction pure – sur les fous, la religion, l’Occident, l’Afrique, le travail, l’histoire de France, ou l’identité nationale.

Face à ce pouvoir en guerre qui ose penser stratégiquement et partager le monde en amis, ennemis et quantités négligeables, la gauche reste tétanisée. Elle est trop lâche, trop compromise, et pour tout dire, trop discréditée pour opposer la moindre résistance à un pouvoir qu’elle n’ose pas, elle, traiter en ennemi et qui lui ravit un à un les plus malins d’entre ses éléments. Quant à l’extrême gauche à-la-Besancenot, quels que soient ses scores électoraux, et même sortie de l’état groupusculaire où elle végète depuis toujours, elle n’a pas de perspective plus désirable à offrir que la grisaille soviétique à peine retouchée sur Photoshop. Son destin est de décevoir.

Dans la sphère de la représentation politique, le pouvoir en place n’a donc rien à craindre, de personne. Et ce ne sont certainement pas les bureaucraties syndicales, plus vendues que jamais, qui vont l’importuner, elles qui depuis deux ans dansent avec le gouvernement un ballet si obscène. Dans ces conditions, la seule force qui soit à même de faire pièce au gang sarkozyste, son seul ennemi réel dans ce pays, c’est la rue, la rue et ses vieux penchants révolutionnaires. Elle seule, en fait, dans les émeutes qui ont suivi le second tour du rituel plébiscitaire de mai 2007, a su se hisser un instant à la hauteur de la situation. Elle seule, aux Antilles ou dans les récentes occupations d’entreprises ou de facs, a su faire entendre une autre parole.

Cette analyse sommaire du théâtre des opérations a dû s’imposer assez tôt puisque les renseignements généraux faisaient paraître dès juin 2007, sous la plume de journalistes aux ordres (et notamment dans Le Monde) les premiers articles dévoilant le terrible péril que feraient peser sur toute vie sociale les « anarcho-autonomes ». On leur prêtait, pour commencer, l’organisation des émeutes spontanées, qui ont, dans tant de villes, salué le « triomphe électoral » du nouveau président.

Avec cette fable des « anarcho-autonomes », on a dessiné le profil de la menace auquel la ministre de l’intérieur s’est docilement employée, d’arrestations ciblées en rafles médiatiques, à donner un peu de chair et quelques visages. Quand on ne parvient plus à contenir ce qui déborde, on peut encore lui assigner une case et l’y incarcérer. Or celle de « casseur » où se croisent désormais pêle-mêle les ouvriers de Clairoix, les gamins de cités, les étudiants bloqueurs et les manifestants des contre-sommets, certes toujours efficace dans la gestion courante de la pacification sociale, permet de criminaliser des actes, non des existences. Et il est bien dans l’intention du nouveau pouvoir de s’attaquer à l’ennemi, en tant que tel, sans attendre qu’il s’exprime. Telle est la vocation des nouvelles catégories de la répression.

Il importe peu, finalement, qu’il ne se trouve personne en France pour se reconnaître « anarcho-autonome » ni que l’ultra-gauche soit un courant politique qui eut son heure de gloire dans les années 1920 et qui n’a, par la suite, jamais produit autre chose que d’inoffensifs volumes de marxologie. Au reste, la récente fortune du terme « ultragauche » qui a permis à certains journalistes pressés de cataloguer sans coup férir les émeutiers grecs de décembre dernier doit beaucoup au fait que nul ne sache ce que fut l’ultragauche, ni même qu’elle ait jamais existé.

A ce point, et en prévision des débordements qui ne peuvent que se systématiser face aux provocations d’une oligarchie mondiale et française aux abois, l’utilité policière de ces catégories ne devrait bientôt plus souffrir de débats. On ne saurait prédire, cependant, lequel d’ »anarcho-autonome » ou d’ »ultragauche » emportera finalement les faveurs du Spectacle, afin de reléguer dans l’inexplicable une révolte que tout justifie.

La police vous considère comme le chef d’un groupe sur le point de basculer dans le terrorisme. Qu’en pensez-vous?

Une si pathétique allégation ne peut être le fait que d’un régime sur le point de basculer dans le néant.

Que signifie pour vous le mot terrorisme?

Rien ne permet d’expliquer que le département du renseignement et de la sécurité algérien suspecté d’avoir orchestré, au su de la DST, la vague d’attentats de 1995 ne soit pas classé parmi les organisations terroristes internationales. Rien ne permet d’expliquer non plus la soudaine transmutation du « terroriste » en héros à la Libération, en partenaire fréquentable pour les accords d’Evian, en policier irakien ou en « taliban modéré » de nos jours, au gré des derniers revirements de la doctrine stratégique américaine.

Rien, sinon la souveraineté. Est souverain, en ce monde, qui désigne le terroriste. Qui refuse d’avoir part à cette souveraineté se gardera bien de répondre à votre question. Qui en convoitera quelques miettes s’exécutera avec promptitude. Qui n’étouffe pas de mauvaise foi trouvera un peu instructif le cas de ces deux ex – « terroristes » devenus l’un premier ministre d’Israël, l’autre président de l’Autorité palestinienne, et ayant tous deux reçus, pour comble, le Prix Nobel de la paix.

Le flou qui entoure la qualification de « terrorisme », l’impossibilité manifeste de le définir ne tiennent pas à quelque provisoire lacune de la législation française : ils sont au principe de cette chose que l’on peut, elle, très bien définir : l’antiterrorisme dont ils forment plutôt la condition de fonctionnement. L’antiterrorisme est une technique de gouvernement qui plonge ses racines dans le vieil art de la contre-insurrection, de la guerre dite « psychologique », pour rester poli.

L’antiterrorisme, contrairement à ce que voudrait insinuer le terme, n’est pas un moyen de lutter contre le terrorisme, c’est la méthode par quoi l’on produit, positivement, l’ennemi politique en tant que terroriste. Il s’agit, par tout un luxe de provocations, d’infiltrations, de surveillance, d’intimidation et de propagande, par toute une science de la manipulation médiatique, de l’ »action psychologique », de la fabrication de preuves et de crimes, par la fusion aussi du policier et du judiciaire, d’anéantir la « menace subversive » en associant, au sein de la population, l’ennemi intérieur, l’ennemi politique à l’affect de la terreur.

L’essentiel, dans la guerre moderne, est cette « bataille des cœurs et des esprits » où tous les coups sont permis. Le procédé élémentaire, ici, est invariable : individuer l’ennemi afin de le couper du peuple et de la raison commune, l’exposer sous les atours du monstre, le diffamer, l’humilier publiquement, inciter les plus vils à l’accabler de leurs crachats, les encourager à la haine. « La loi doit être utilisée comme simplement une autre arme dans l’arsenal du gouvernement et dans ce cas ne représente rien de plus qu’une couverture de propagande pour se débarrasser de membres indésirables du public. Pour la meilleure efficacité, il conviendra que les activités des services judiciaires soient liées à l’effort de guerre de la façon la plus discrète possible », conseillait déjà, en 1971, le brigadier Frank Kitson [ancien général de l'armée britannique, théoricien de la guerre contre-insurrectionelle], qui en savait quelque chose.

Une fois n’est pas coutume, dans notre cas, l’antiterrorisme a fait un four. On n’est pas prêt, en France, à se laisser terroriser par nous. La prolongation de ma détention pour une durée « raisonnable » est une petite vengeance bien compréhensible au vu des moyens mobilisés, et de la profondeur de l’échec; comme est compréhensible l’acharnement un peu mesquin des « services », depuis le 11 novembre, à nous prêter par voie de presse les méfaits les plus fantasques, ou à filocher le moindre de nos camarades. Combien cette logique de représailles a d’emprise sur l’institution policière, et sur le petit cœur des juges, voilà ce qu’auront eu le mérite de révéler, ces derniers temps, les arrestations cadencées des « proches de Julien Coupat ».

Il faut dire que certains jouent, dans cette affaire, un pan entier de leur lamentable carrière, comme Alain Bauer [criminologue], d’autres le lancement de leurs nouveaux services, comme le pauvre M. Squarcini [directeur central du renseignement intérieur], d’autres encore la crédibilité qu’ils n’ont jamais eue et qu’ils n’auront jamais, comme Michèle Alliot-Marie.

Vous êtes issu d’un milieu très aisé qui aurait pu vous orienter dans une autre direction…

« Il y a de la plèbe dans toutes les classes » (Hegel).

Pourquoi Tarnac?

Allez-y, vous comprendrez. Si vous ne comprenez pas, nul ne pourra vous l’expliquer, je le crains.

Vous définissez-vous comme un intellectuel? Un philosophe ?

La philosophie naît comme deuil bavard de la sagesse originaire. Platon entend déjà la parole d’Héraclite comme échappée d’un monde révolu. A l’heure de l’intellectualité diffuse, on ne voit pas ce qui pourrait spécifier « l’intellectuel », sinon l’étendue du fossé qui sépare, chez lui, la faculté de penser de l’aptitude à vivre. Tristes titres, en vérité, que cela. Mais, pour qui, au juste, faudrait-il se définir?

Etes-vous l’auteur du livre L’insurrection qui vient ?

C’est l’aspect le plus formidable de cette procédure : un livre versé intégralement au dossier d’instruction, des interrogatoires où l’on essaie de vous faire dire que vous vivez comme il est écrit dans L’insurrection qui vient, que vous manifestez comme le préconise L’insurrection qui vient, que vous sabotez des lignes de train pour commémorer le coup d’Etat bolchevique d’octobre 1917, puisqu’il est mentionné dans L’insurrection qui vient, un éditeur convoqué par les services antiterroristes.

De mémoire française, il ne s’était pas vu depuis bien longtemps que le pouvoir prenne peur à cause d’un livre. On avait plutôt coutume de considérer que, tant que les gauchistes étaient occupés à écrire, au moins ils ne faisaient pas la révolution. Les temps changent, assurément. Le sérieux historique revient.

Ce qui fonde l’accusation de terrorisme, nous concernant, c’est le soupçon de la coïncidence d’une pensée et d’une vie; ce qui fait l’association de malfaiteurs, c’est le soupçon que cette coïncidence ne serait pas laissée à l’héroïsme individuel, mais serait l’objet d’une attention commune. Négativement, cela signifie que l’on ne suspecte aucun de ceux qui signent de leur nom tant de farouches critiques du système en place de mettre en pratique la moindre de leurs fermes résolutions; l’injure est de taille. Malheureusement, je ne suis pas l’auteur de L’insurrection qui vient – et toute cette affaire devrait plutôt achever de nous convaincre du caractère essentiellement policier de la fonction auteur.

J’en suis, en revanche, un lecteur. Le relisant, pas plus tard que la semaine dernière, j’ai mieux compris la hargne hystérique que l’on met, en haut lieu, à en pourchasser les auteurs présumés. Le scandale de ce livre, c’est que tout ce qui y figure est rigoureusement, catastrophiquement vrai, et ne cesse de s’avérer chaque jour un peu plus. Car ce qui s’avère, sous les dehors d’une « crise économique », d’un « effondrement de la confiance », d’un « rejet massif des classes dirigeantes », c’est bien la fin d’une civilisation, l’implosion d’un paradigme : celui du gouvernement, qui réglait tout en Occident – le rapport des êtres à eux-mêmes non moins que l’ordre politique, la religion ou l’organisation des entreprises. Il y a, à tous les échelons du présent, une gigantesque perte de maîtrise à quoi aucun maraboutage policier n’offrira de remède.

Ce n’est pas en nous transperçant de peines de prison, de surveillance tatillonne, de contrôles judiciaires, et d’interdictions de communiquer au motif que nous serions les auteurs de ce constat lucide, que l’on fera s’évanouir ce qui est constaté. Le propre des vérités est d’échapper, à peine énoncées, à ceux qui les formulent. Gouvernants, il ne vous aura servi de rien de nous assigner en justice, tout au contraire.

Vous lisez « Surveiller et punir » de Michel Foucault. Cette analyse vous paraît-elle encore pertinente?

La prison est bien le sale petit secret de la société française, la clé, et non la marge des rapports sociaux les plus présentables. Ce qui se concentre ici en un tout compact, ce n’est pas un tas de barbares ensauvagés comme on se plaît à le faire croire, mais bien l’ensemble des disciplines qui trament, au-dehors, l’existence dite « normale ». Surveillants, cantine, parties de foot dans la cour, emploi du temps, divisions, camaraderie, baston, laideur des architectures : il faut avoir séjourné en prison pour prendre la pleine mesure de ce que l’école, l’innocente école de la République, contient, par exemple, de carcéral.

Envisagée sous cet angle imprenable, ce n’est pas la prison qui serait un repaire pour les ratés de la société, mais la société présente qui fait l’effet d’une prison ratée. La même organisation de la séparation, la même administration de la misère par le shit, la télé, le sport, et le porno règne partout ailleurs avec certes moins de méthode. Pour finir, ces hauts murs ne dérobent aux regards que cette vérité d’une banalité explosive : ce sont des vies et des âmes en tout point semblables qui se traînent de part et d’autre des barbelés et à cause d’eux.

Si l’on traque avec tant d’avidité les témoignages « de l’intérieur » qui exposeraient enfin les secrets que la prison recèle, c’est pour mieux occulter le secret qu’elle est : celui de votre servitude, à vous qui êtes réputés libres tandis que sa menace pèse invisiblement sur chacun de vos gestes.

Toute l’indignation vertueuse qui entoure la noirceur des geôles françaises et leurs suicides à répétition, toute la grossière contre-propagande de l’administration pénitentiaire qui met en scène pour les caméras des matons dévoués au bien-être du détenu et des directeurs de tôle soucieux du « sens de la peine », bref : tout ce débat sur l’horreur de l’incarcération et la nécessaire humanisation de la détention est vieux comme la prison. Il fait même partie de son efficace, permettant de combiner la terreur qu’elle doit inspirer avec son hypocrite statut de châtiment « civilisé ». Le petit système d’espionnage, d’humiliation et de ravage que l’Etat français dispose plus fanatiquement qu’aucun autre en Europe autour du détenu n’est même pas scandaleux. L’Etat le paie chaque jour au centuple dans ses banlieues, et ce n’est de toute évidence qu’un début : la vengeance est l’hygiène de la plèbe.

Mais la plus remarquable imposture du système judiciaro-pénitentiaire consiste certainement à prétendre qu’il serait là pour punir les criminels quand il ne fait que gérer les illégalismes. N’importe quel patron – et pas seulement celui de Total –, n’importe quel président de conseil général – et pas seulement celui des Hauts-de-Seine–, n’importe quel flic sait ce qu’il faut d’illégalismes pour exercer correctement son métier. Le chaos des lois est tel, de nos jours, que l’on fait bien de ne pas trop chercher à les faire respecter et les stups, eux aussi, font bien de seulement réguler le trafic, et non de le réprimer, ce qui serait socialement et politiquement suicidaire.

Le partage ne passe donc pas, comme le voudrait la fiction judiciaire, entre le légal et l’illégal, entre les innocents et les criminels, mais entre les criminels que l’on juge opportun de poursuivre et ceux qu’on laisse en paix comme le requiert la police générale de la société. La race des innocents est éteinte depuis longtemps, et la peine n’est pas à ce à quoi vous condamne la justice : la peine, c’est la justice elle-même, il n’est donc pas question pour mes camarades et moi de « clamer notre innocence », ainsi que la presse s’est rituellement laissée aller à l’écrire, mais de mettre en déroute l’hasardeuse offensive politique que constitue toute cette infecte procédure. Voilà quelques-unes des conclusions auxquelles l’esprit est porté à relire Surveiller et punir depuis la Santé. On ne saurait trop suggérer, au vu de ce que les Foucaliens font, depuis vingt ans, des travaux de Foucault, de les expédier en pension, quelque temps, par ici.

Comment analysez-vous ce qui vous arrive?

Détrompez-vous : ce qui nous arrive, à mes camarades et à moi, vous arrive aussi bien. C’est d’ailleurs, ici, la première mystification du pouvoir : neuf personnes seraient poursuivies dans le cadre d’une procédure judiciaire « d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », et devraient se sentir particulièrement concernées par cette grave accusation. Mais il n’y a pas d’« affaire de Tarnac » pas plus que d’ »affaire Coupat », ou d’ »affaire Hazan » [éditeur de L'insurrection qui vient]. Ce qu’il y a, c’est une oligarchie vacillante sous tous rapports, et qui devient féroce comme tout pouvoir devient féroce lorsqu’il se sent réellement menacé. Le Prince n’a plus d’autre soutien que la peur qu’il inspire quand sa vue n’excite plus dans le peuple que la haine et le mépris.

Ce qu’il y a, c’est, devant nous, une bifurcation, à la fois historique et métaphysique: soit nous passons d’un paradigme de gouvernement à un paradigme de l’habiter au prix d’une révolte cruelle mais bouleversante, soit nous laissons s’instaurer, à l’échelle planétaire, ce désastre climatisé où coexistent, sous la férule d’une gestion « décomplexée », une élite impériale de citoyens et des masses plébéiennes tenues en marge de tout. Il y a donc, bel et bien, une guerre, une guerre entre les bénéficiaires de la catastrophe et ceux qui se font de la vie une idée moins squelettique. Il ne s’est jamais vu qu’une classe dominante se suicide de bon cœur.

La révolte a des conditions, elle n’a pas de cause. Combien faut-il de ministères de l’Identité nationale, de licenciements à la mode Continental, de rafles de sans-papiers ou d’opposants politiques, de gamins bousillés par la police dans les banlieues, ou de ministres menaçant de priver de diplôme ceux qui osent encore occuper leur fac, pour décider qu’un tel régime, même installé par un plébiscite aux apparences démocratiques, n’a aucun titre à exister et mérite seulement d’être mis à bas ? C’est une affaire de sensibilité.

La servitude est l’intolérable qui peut être infiniment tolérée. Parce que c’est une affaire de sensibilité et que cette sensibilité-là est immédiatement politique (non en ce qu’elle se demande « pour qui vais-je voter ? », mais « mon existence est-elle compatible avec cela ? »), c’est pour le pouvoir une question d’anesthésie à quoi il répond par l’administration de doses sans cesse plus massives de divertissement, de peur et de bêtise. Et là où l’anesthésie n’opère plus, cet ordre qui a réuni contre lui toutes les raisons de se révolter tente de nous en dissuader par une petite terreur ajustée.

Nous ne sommes, mes camarades et moi, qu’une variable de cet ajustement-là. On nous suspecte comme tant d’autres, comme tant de « jeunes », comme tant de « bandes », de nous désolidariser d’un monde qui s’effondre. Sur ce seul point, on ne ment pas. Heureusement, le ramassis d’escrocs, d’imposteurs, d’industriels, de financiers et de filles, toute cette cour de Mazarin sous neuroleptiques, de Louis Napoléon en version Disney, de Fouché du dimanche qui pour l’heure tient le pays, manque du plus élémentaire sens dialectique. Chaque pas qu’ils font vers le contrôle de tout les rapproche de leur perte. Chaque nouvelle « victoire » dont ils se flattent répand un peu plus vastement le désir de les voir à leur tour vaincus. Chaque manœuvre par quoi ils se figurent conforter leur pouvoir achève de le rendre haïssable. En d’autres termes : la situation est excellente. Ce n’est pas le moment de perdre courage.

Propos recueillis par Isabelle Mandraud et Caroline Monnot

Article paru dans l’édition du 26.05.09

Les soutiens de Coupat inquiétés Libération 23-05-09

Samedi 23 mai 2009

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Tarnac . Les huit personnes arrêtées lundi ont été libérées sans être mises en examen.

C’est la saison des gardes à vue dans l’affaire de Tarnac. Et toutes se soldent sans la moindre mise en examen. Le 28 avril, Tessa Polak se faisait arrêter au volant de son véhicule, par des policiers l’arme au poing. Lundi, des habitants de Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence) et des jeunes Rouennais (Seine-Maritime) ont goûté à leur tour aux interrogatoires.

A Forcalquier, l’objet du délit est une photo. On y voit un tract du Comité de sabotage de l’antiterrorisme, brandi sous un interphone portant le nom de Bernard Squarcini, le patron du renseignement français. Narguer ainsi le numéro 1 des RG et de la DST, en montrant qu’on connaît sa résidence dans le Sud, a valu une garde à vue à l’auteur de la photo et à deux couples qui l’ont diffusée par mail. Motif : «menace de commettre un délit ou un crime».

Les policiers marseillais sont venus cueillir lundi à Forcalquier François Bouchardeau, éditeur et fils d’Huguette, l’ancienne ministre de Mitterrand, et son épouse Johanna, ainsi que Samuel Autexier, qui édite la revue littéraire Marginales, et sa sœur Héléna. Puis Bruno Chiambretto, auteur de la photo, les a rejoints. Ils sont sortis libres mardi et mercredi. Le parquet de Digne-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence), qui conduit l’enquête préliminaire, n’a pas décidé s’il y aura des poursuites.

Musclée. Par la voix de leur avocat, Me Olivier Lantelme, les interpellés se sont dits «abasourdis par le traitement qu’on [leur] a réservé, consternés par la méthode musclée employée, alors qu’il suffisait de [les] convoquer pour qu’[ils] viennent gentiment s’expliquer». Membres de ce comité de soutien à Coupat prônant «le sabotage de l’antiterrorisme», ils ont reconnu, pour l’un, avoir pris la photo et pour les autres, l’avoir diffusée, mais «sans possibilité d’identifier le lieu, ni mention de l’adresse». «En quoi cette photo, qui se veut ironique et n’a jamais été distribuée sur la voie publique, constituerait une menace ?» demande Me Lantelme, précisant que ses clients sont «non violents».

Mais Bernard Squarcini, directeur central du renseignement intérieur (DCRI), a porté plainte. Et pour le parquet, «il faut bien que quelqu’un ait eu connaissance de l’adresse pour faire la photo ; et la diffuser, c’est diffuser le fait que l’adresse est connue». Donc, éventuellement, créer une menace ? «Il n’y a matière à aucune poursuite» , rétorque Me Lantelme.

Les cinq interpellés estiment être victimes de la même «disproportion de traitement» qui frappe à leurs yeux l’homme de Tarnac, et qu’ils dénoncent. «Veut-on étouffer le soutien à Julien Coupat ? Eux le vivent comme ça», dit leur avocat.

Les trois arrestations de Rouen ont aussi eu lieu lundi. Mathieu, mis en examen dans l’affaire, vit avec l’une des personnes arrêtées cette semaine. «Ils sont arrivés à 6 heures avec un bélier mais n’ont pas eu à s’en servir : la porte était ouverte. Ils ont mis sur le ventre la personne qu’ils cherchaient, l’ont menottée. On a été placés dans une pièce, au rez-de-chaussée.» Pendant ce temps-là, les enquêteurs perquisitionnent rapidement la maison.

La suite se passe à Levallois-Perret, dans les locaux de la sous-direction antiterroriste. Selon les enquêteurs, les trois étudiants (deux hommes et une femme) seraient des proches de Coupat. Ils se seraient rendus à Thessalonique, en Grèce, en septembre 2008, pour la Foire internationale. Julien Coupat s’y serait trouvé et aurait pu entrer en contact avec des autonomes allemands.

«Incessants». Au terme des soixante-douze heures légales, l’avocate Dominique Vallès se rend en banlieue parisienne pour voir les jeunes qui ont été séparés : deux sont à Nanterre, le troisième à Levallois. Selon l’avocate, les interrogatoires «incessants» auraient porté sur leurs opinions politiques, leur manière de vivre. «U ne jeune femme était dans une cellule avec une lumière blanche éblouissante.» Pour l’avocate, «il suffisait de les convoquer. Les gens ont des droits, aussi.» Ils ont été relâchés jeudi après-midi sans avoir été mis en examen. A Rouen, Mathieu s’interroge : «Leurs noms apparaissent dans la procédure comme une centaine d’autres. Est-ce que ça veut dire que tout le monde va être placé en garde à vue ?» Une amie des cinq de Forcalquier s’inquiète : «Bientôt, il faudra faire un comité de soutien au comité de soutien.»

Trois personnes remises en liberté NOUVELOBS.COM | 21.05.2009

Samedi 23 mai 2009

SABOTAGES SNCF

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Aucune charge n’a été retenue contre eux par les policiers antiterroristes qui tentaient de définir quels liens les unissaient à Julien Coupat, toujours incarcéré

Manifestation contre la procédure antiterroriste à Limoges (AFP)

Manifestation contre la procédure antiterroriste à Limoges (AFP)

Les trois personnes interpellées lundi à Rouen (Seine Maritime) et dans ses environs dans le cadre de l’enquête sur les dégradations commises contre la SNCF, qui a vu l’incarcération de Julien Coupat, ont été remises en liberté jeudi 21 mai dans l’après-midi, a-t-on appris de source proche de l’enquête. Aucune charge n’a été retenue contre elles.
Ces deux hommes et cette femme âgés de 25 et 26 ans avaient été placés en garde à vue par les policiers de la Sous-direction antiterroriste (SDAT) en charge de l’enquête.

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Ces derniers cherchaient à établir la teneur de leur relation avec Julien Coupat, principal mis en cause dans ce dossier, et certains de ses proches.
Ils étaient soupçonnés de s’être rencontrés lors d’une manifestation à Salonique (Grèce) en septembre 2008 où ils auraient été au contact d’Allemands membres de la mouvance autonome. (nouvelobs.com avec AP)

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