La garde à vue à la française écorne la Convention européenne des droits de l’homme, rappelle l’avocat poitevin M e François Reyé. Explications.
Me François Reyé : »Le projet de réforme de la procédure pénale n’apporte pas de modification substantielle de la garde à vue ». – - Photo NR
Le sérail judiciaire l’a déjà appelée « l’affaire Medvedyev ». L’histoire remonte à 2002. Un navire cambodgien susceptible de transporter de la came était arraisonné au large des îles du Cap Vert. Mais ce n’est pas tant cet épisode de la lutte antidrogue que le » rappel à la loi » servi à cette occasion à la France par la cour européenne des droits de l’homme (CEDH) que retiennent aujourd’hui les avocats français spécialistes du droit pénal.
« Dans cet arrêt du 23 mars dernier, explique l’avocat poitevin François Reyé, la CEDH a rappelé les principes qui doivent commander la garde à vue. Elle a notamment affirmé que » toute personne arrêtée ou détenue doit aussitôt être traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité à exercer des fonctions judiciaires ». Et elle ajoute que ce magistrat doit présenter » les garanties requises d’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties… »
Concrètement, rappelle M e Reyé, « les magistrats du parquet français étant subordonnés au gouvernement par un lien hiérarchique, ils ne présentent pas l’indépendance pourtant requise par la Convention européenne des droits de l’homme ».
Pas de rencontre avec le gardé à vue
Sur un autre plan, la France apparaît en contradiction avec la convention européenne des droits de l’homme. « La cour européenne indique que le magistrat en charge des questions de détention ou de rétention doit entendre personnellement le gardé à vue, relit M e Reyé. Or ce n’est pas le cas en France : en vertu de notre code de procédure pénale, il suffit que le parquetier soit simplement informé de la mise en place de cette mesure. Et il n’est pas davantage tenu de rencontrer le suspect pour autoriser la prolongation de sa garde à vue. »
Le parquet reste sous tutelle du pouvoir
La réforme à venir du CPP tiendra-t-elle compte de cette admonestation européenne ? « Même pas », prédit M e Reyé. D’abord, « les arrêts de la CEDH ne s’imposent ni au parlement ni aux juges français ». De plus, ajoute l’avocat, « le projet de réforme de la procédure pénale réaffirme le lien hiérarchique du parquet avec l’exécutif et n’apporte pas de modification substantielle de la garde à vue. »
Devant les tribunaux pénaux, certains avocats français invoquent aujourd’hui la jurisprudence Medvedyev pour » casser » des procédures. En vain.
Conférence-débat « La garde à vue et autres questions », demain soir à 19 heures à la médiathèque François-Mitterrand à Poitiers. Entrée libre.
Emmanuel Touron