Dans l’article de la Nouvelle République du 24 mars 2010, nous avons découvert, les propos hallucinants du proviseur du lycée de Civray, concernant la consommation de produits stupéfiants « une fois ça passe, cela fait partie des découvertes de l’adolescence, plusieurs fois, cela représente un danger, l’établissement étant avant tout fait pour la réussite des élèves ». Propos hallucinants car pourquoi s’il y a « danger » appeler la gendarmerie alors que selon la loi française, le simple usage de cannabis peut conduire à une peine allant jusqu’à un an d’emprisonnement pouvant s’accompagner ou être substituée par une amende allant jusqu’à 3 750 €1 ? Bien plus, depuis la loi de 2007 sur la récidive (dite « loi Dati »), des peines plancher sont applicables aux récidivistes. En pratique, l’achat de 2 grammes de cannabis pour sa consommation personnelle, par une personne considérée par la loi comme récidiviste conduit ainsi à une peine plancher de quatre ans ferme…2
Comment notre bon proviseur peut-il être persuadé que la prison ou l’amende favorisent la « réussite » des élèves ? Cela nous échappe. En tous cas, c’est indicatif du point de vue répressif qui parasite au plus haut point les pratiques pédagogiques de l’éducation nationale. C’est même l’indice que le répressif à remplacé le préventif dans les usages des acteurs de l’éducation. S’il y a véritablement « danger » que les élèves fument des joints, ne faudrait-il pas tout faire pour les protéger ? Ne faudrait-il pas tout faire pour trouver les causes de cette mise en danger pour les abolir et permettre à ces élèves de ne plus fumer des joints ?
A moins qu’il ne s’agisse là encore que de cette volonté délirante de criminaliser les victimes qui est à la mode chez nos décideurs. C’était déjà ce que constatait Jacques Rancière dans Libération3 à propos de la loi sur la burqa. Pourquoi une loi sur la burqa demandait-il ? Parce qu’une « telle humiliation imposée aux femmes est inacceptable dans notre république et doit être sanctionnée a dit notre Président ». Sanctionné comment ? « Celles qui subissent cette humiliation paieront une amende pour laquelle on a avancé le chiffre de 1 500 euros. » Et notre philosophe de conclure : « On s’étonne qu’il n’ait pas poussé plus loin un principe aussi novateur. Le viol est aussi une humiliation [...]. Il serait donc logique de faire payer une lourde amende à toutes les victimes de viol. » Ce n’est rien de moins que ce « principe novateur » qui a été appliqué par le proviseur de Civray aux élèves qui sont supposés fumer des joints.
Jean-François Chazerans
Comité Poitevin contre la Répression des Mouvements Sociaux
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1Drogue : que dit la loi ? http://www.interieur.gouv.fr/sections/a_votre_service/drogue/loi-drogue/drogue-que-dit-loi
2Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9gislation_sur_le_cannabis
3Modeste proposition pour le bien des victimes, http://www.liberation.fr/societe/0101613011-modeste-proposition-pour-le-bien-des-victimes