Une quarantaine de policiers ont consulté la fiche judiciaire d’Ali Soumaré LE MONDE | 04.03.10 | 10h21 • Mis à jour le 04.03.10 | 18h20
l n’y a pas eu une, mais plusieurs dizaines – de trente à quarante, selon les sources – consultations, par des policiers, du dossier d’Ali Soumaré, le chef de file du PS aux élections régionales dans le Val-d’Oise, dans le système de traitement des infractions constatées (STIC) avant le 19 février.
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Ce jour-là, Francis Delattre et Sébastien Meurant, respectivement maires UMP de Franconville et de Saint-Leu-la-Forêt (Val-d’Oise) avaient, par voie de tract, qualifié M.Soumaré de « délinquant multirécidiviste chevronné », en délivrant au public des informations qui, pour partie, se sont révélées fausses. Interrogés sur leur source, les élus ont tergiversé, évoquant une fois le greffe du tribunal de Pontoise, une autre des personnes privées victimes des prétendus agissements de M.Soumaré.
Dans un courrier adressé, vendredi 26 février, à la direction générale de la police nationale, Alex Türk, le président de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), a réclamé des explications sur la provenance de ces allégations. Soucieux de savoir si celles-ci ont été exhumées du STIC, M.Türk rappelle que « la traçabilité des recherches effectuées, ainsi qu’un historique des consultations de ce fichier » sont prévus par la loi.
Joint par Le Monde, le directeur général de la police nationale (DGPN) Frédéric Péchenard, a indiqué qu’il réservait encore sa réponse. Tout en rappelant qu’il « n’excluait pas d’ouvrir une enquête et de saisir l’IGPN [l'inspection générale de la police nationale]« , M.Péchenard précise qu’il procède à des vérifications et « à un état des lieux sur l’accès aux antécédents de M. Soumaré ».
Selon M.Péchenard, certaines informations diffusées par l’UMP – comme les condamnations et les peines de prison imputées à M.Soumaré – ne proviennent pas du STIC mais du casier judiciaire. Si les policiers qui ont accès au STIC peuvent être légitimement soupçonnés d’être à l’origine de ces informations, d’autres sources de renseignement peuvent également être visées, tels les magistrats ou avocats ayant accès à des dossiers judiciaires en cours.
AUCUNE PLAINTE DÉPOSÉE
Pour M.Péchenard, auquel il appartient d’ouvrir une enquête administrative, celle-ci ne devra pas se cantonner aux seuls policiers mais à toutes les parties susceptibles d’être impliquées. Le directeur général pense notamment aux élus qui ont recueilli puis divulgué ces informations.
Depuis que la procureure de la République de Pontoise, Marie-Thérèse de Givry, a dédouané Ali Soumaré de trois des cinq accusations portées contre lui, aucune plainte n’a été déposée. Ni par l’intéressé ni par ses avocats.
Pour la direction de la police, savoir quand, où et sur quel dossier des fonctionnaires de police ont consulté le STIC relève d’une procédure on ne peut plus simple. Il suffit de vérifier dans une base de données l’identifiant et le code, strictement personnel, des utilisateurs. L’opération se fait en l’espace de quelques minutes.
Pour les policiers, le STIC est un outil de travail quotidien : en 2008, la CNIL avait enregistré plus de 20 millions de visites par les professionnels. Dans les jours qui ont suivi la révélation de l’affaire, plusieurs dizaines de policiers et/ou de magistrats ont ainsi consulté le STIC pour fouiller à leur tour la fiche du candidat socialiste. A priori, par pure curiosité.
Yves Bordenave
Un fichier controversé
Définition : Le système de traitements des infractions constatées (STIC) enregistre les auteurs d’infractions et leurs victimes. Au décembre2008, selon les chiffres de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), il répertoriait 5 552 313 auteurs et 28 329 276 victimes.
Consultation : 100 000 professionnels sont habilités à le consulter dans le cadre d’enquêtes administratives ou pénales. Ce sont majoritairement des policiers, ainsi que les juges d’instructions et les magistrats du parquet.
Article paru dans l’édition du 05.03.10