Dix heures de débat pour une audience qui s’est terminée à 4 h 15. Un record pour le tribunal correctionnel de Poitiers. Six prévenus, douze parties civiles, six témoins et un président, Jérôme Carbonel, qui avait décidé de laisser du temps de parole à tous, s’interdisant de passer à côté du moindre détail, selon son habitude. « La seule façon de rendre la justice sereinement », commente-t-on au palais.
La qualité, ça prend du temps. Et la procédure a ses contraintes. Ce dossier était venu une première fois à l’audience le 23 juin, en comparution immédiate. Les prévenus avaient demandé un délai pour préparer leur défense. « On ne pouvait pas renvoyer l’audience aux calendes, explique un magistrat. Qu’auriez-vous écrit si la détention provisoire du dernier détenu avait été prolongée pendant des semaines ? » Il a fallu inscrire le dossier au rôle d’une audience déjà chargée.
Le procureur craque
Dix heures d’audience, ça marque les organismes. Surtout quand il fait 35C° dehors et que la salle n’est pas climatisée. Visages luisants, aisselles poisseuses, le public va s’éventer toute la nuit avec le moindre bout de papier. Les canettes du distributeur dégringolent aussi régulièrement qu’apparaissent les cernes sous les yeux des avocates. A chaque suspension, c’est la chasse à la bouteille d’eau. Le vice-procureur craque le premier. Victime d’un malaise à 2 h 20 du matin, il déclare forfait. Il faut tirer du lit le substitut de permanence. Pour continuer d’avancer coûte que coûte dans ce dossier.
Il est trois heures passées. Les plaidoiries des avocats se succèdent. Couchée sur un banc dans le couloir contigu à la salle d’audience, une jeune gendarme a elle aussi déposé les armes. « On n’a pas mangé depuis ce matin », l’excuse un collègue. Dernière suspension. Pour que le tribunal statue sur la remise en liberté d’Adrien, le seul prévenu encore en détention provisoire. Il sort libre du tribunal. Ses potes applaudissent. L’orage gronde, la pluie disperse les militants. Les CRS remontent dans leurs fourgons.
Ph.B.